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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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après sa mort.
    L’écho d’un pas lourd, celui d’un homme, accompagné d’une
démarche légère que Clément identifia aussitôt comme celle d’Agnès, le tira de
ses réflexions. Il se précipita derrière les lourdes bottes de paille entreposées
au fond de la grange.
    Cet homme n’avait pas été tué par une bête. On lui avait
infligé post mortem des blessures de mascarade afin de le rendre
méconnaissable, ou d’éloigner les soupçons. Quant au responsable, le garçon
aurait parié qu’il marchait sur deux pattes et s’abreuvait au cruchon.
    Les pas s’approchèrent et s’immobilisèrent. Un silence,
haché par une respiration lourde, de plus en plus anarchique. Clément en
conclut que l’homme examinait le cadavre. Une voix rustaude déclara :
    — Ah, crénom ! Faut que la bête soye enragée pour
dépiauter un gars de la sorte. Bon... Ben j’vas prévenir mon maître, faut qu’y
voye par lui-même.
    Il s’agissait donc d’un des hommes de Monge de Brineux,
grand bailli du comte Artus d’Authon. Le garçon entendit le long soupir de la
dame de Souarcy. Lorsqu’elle prit la parole, il décela sa tension. Tablant sur
la bêtise et l’émotion de l’autre, elle tenta une ultime feinte. Si elle
parvenait à le convaincre, il y avait de bonnes chances pour que l’enquête
s’arrêtât là.
    — Puisqu’il s’agit d’une bête, il est bien superflu de
déranger monsieur de Brineux et de lui imposer un long voyage jusqu’ici. En
revanche, vous avez raison, je demanderai à mes gens de la pister. Il faut
l’abattre au plus vite. Suivez-moi dans les cuisines. Un bon gobelet de notre
vin devrait vous rafraîchir.
    — Ben... Une bête, une bête... Sauf votre respect,
madame, moi j’en suis pas si sûr que ça. L’aurait bouffé un peu du reste.
    Une sombre prémonition avertit Clément : leurs ennuis
se précisaient, et Clément s’en voulait de son imprévoyance.

 
     
Manoir de Souarcy-en-Perche, juin 1304
    Lorsque Clément rentra ce matin-là au manoir, après une
autre nuit fiévreuse de lecture et de découverte, l’étrange animation qui
régnait dans la grande cour le renseigna.
    Trois hongres, presque aussi lourds que des roncins [52] , étaient attachés aux anneaux du mur
de la grange, séparés par quelques mètres d’un palefroi [53] bai qui piétinait et soufflait
d’impatience. Clément détailla la magnifique monture. Il était peu donné d’en apercevoir
d’aussi élégantes dans ce coin. L’effort de la course avait abandonné autour de
son cou et sur ses flancs des rides blanchâtres. Il avait fait longue et vive
route. Qui pouvait monter une telle bête et être accompagné de trois autres
cavaliers ?
    Clément se faufila dans les cuisines, empruntant le couloir
du restrait jusqu’à la porte basse qui permettait à la domesticité de pénétrer
dans la grande salle. Il s’y colla afin d’apprendre qui rendait une visite si
matinale à Agnès. Il entendit la réponse de sa dame :
    — Sire bailli, que puis-je vous dire ? J’étais
dans l’ignorance de ces mystérieux décès, ainsi que vous les décrivez, jusqu’à
votre venue. L’un de mes gens a découvert ce pauvre hère dans un fourré en y
cherchant des morilles.
    Monge de Brineux, grand bailli du comte Artus d’Authon,
songea Clément.
    — Et pourtant, la rumeur court, madame. Elle ne vous
serait pas encore parvenue ?
    — Certes non. Nous vivons isolés. Quatre
victimes ? En deux mois ? Des moines, dites-vous ?
    — Pour trois d’entre eux. Nous ignorons tout de celui
qui se trouve dans votre grange, si ce n’est qu’il a rencontré une fin
identique...
    — Tous avaient le visage lacéré de la sorte ?
    — À l’exception du deuxième, un autre émissaire du
pape, à l’instar du premier. Sa mort a provoqué une vive émotion à Rome, ainsi
que vous l’imaginez. Toutefois, ces deux premiers décès sont un casse-tête pour
nous. Les deux hommes semblent avoir été carbonisés, c’est du moins ce que
pourraient laisser croire ces chairs racornies et noirâtres. Mais leurs
vêtements n’ont pas été ravagés par les flammes... Les a-t-on déshabillés pour
les revêtir après leur supplice ? Cela paraît peu probable.
    Ainsi, il y en avait eu un avant celui qu’il avait découvert
dans la clairière, déduisit Clément. Et en effet, les vêtements de ce dernier
n’avaient pas subi les ravages du feu, pas plus que ses cheveux ou les poils
qui couvraient son

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