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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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l’inquiétude. La traque durait depuis plus d’une demi-heure.
La jeune fille se déplaçait vite, sans un bruit. Comment se pouvait-il qu’elle
ne fût pas épuisée ? Où se cachait-elle, dans quel taillis ? Pourquoi
ne s’affolait-elle pas comme les autres avant elle ? Car tous n’avaient
pas été empoisonnés au point de délirer. Pourquoi ne fonçait-elle pas, droit
devant elle, dans une inepte tentative de fuite ?
    Il raffermit la pression de ses mollets contre les flancs de
sa monture qui s’énervait. L’animal percevait le doute qui commençait de
s’infiltrer dans l’esprit de son maître.
    Que venait faire cette fille à Arville ? Sa mission
concernait-elle la commanderie templière ? Les messages papaux avaient
jusque-là transité par l’abbaye des Clairets. La mauvaise humeur gagna le
spectre. Il détestait s’éloigner de son habituel terrain de chasse. Il se
ressaisit en songeant à l’effet que lui ferait ce premier meurtre de femelle.
Lirait-il le même effroi dans le regard de sa victime lorsque celle-ci
apercevrait la patte griffue ? Une chair de femme se déchirait-elle plus
aisément que celle d’un homme ? Qu’on en finisse. La nuit tombait et il
lui faudrait ensuite parcourir un long chemin pour rentrer.
    Le regard du fantôme emmitouflé fouillait les ronces, les
branches basses et les fourrés. Tant de calculs, de mensonges et de meurtres.
Il lui avait fallu les tolérer puis les accepter. Quant à s’en repaître, là
n’était pas son vice. La jouissance de tuer lui était inconnue, le déplaisir
également. Il s’agissait au mieux d’un aléa, au pire d’un accessoire de sa
tâche et s’il fallait en passer par là...
    Tant d’années, tant de déceptions brûlantes, d’humiliations,
d’injustes privations avaient engendré sa vie actuelle. Le grisant sentiment de
n’être plus une transparence parmi d’autres avait fait le reste. Pour la
première fois, son existence comptait, devenait déterminante et peu importait,
au fond, la cause servie. Pour la première fois, le pouvoir était de son côté.
Il ne le subissait plus, il le maniait.
    Aplatie contre l’humus à vingt mètres des sabots du cheval,
dissimulée sous une foison de fougères, Esquive guettait le poursuivant qui
l’avait prise en chasse avant même qu’elle ne parvienne à remettre le message
dont elle était porteuse. Elle n’ignorait rien des dangers de sa mission avant
de l’entreprendre. Pourquoi avaient-ils envoyé de jeunes moines avant de la
choisir comme émissaire ? L’idée de donner la mort leur était si étrangère
qu’ils préféraient la recevoir. Pas elle, redoutable bretteuse grâce à son
père. L’archange hospitalier, lui aussi, aurait pu, aurait su affronter le
spectre et son cheval de nuit, mais il se trouvait encore si loin. Qu’avait-il
conservé de leur première rencontre, des années plus tôt ? Sans doute peu
de chose, du moins en ce qui la concernait.
    Le cheval fit trois pas nerveux sur le côté, captant à
nouveau toute l’attention d’Esquive, puis s’immobilisa. Le spectre malfaisant
s’inquiétait, et son alarme se communiquait à sa monture.
    En dépit de sa foi, de sa détermination héritée de son père,
et surtout de son infini amour pour l’archange de Chypre, la panique avait
d’abord saisi Esquive lorsque le grand étalon noir avait surgi de la brume
crépusculaire. L’animal s’était rué sur elle et le spectre avait levé son
effroyable gantelet.
    Elle avait foncé, sa légèreté et sa rapidité de mouvement
l’avantageant. Elle s’était ensuite fondue à la terre, devenant plus immobile
qu’une racine pour reprendre son souffle et retrouver la pleine capacité de son
intelligence.
    Elle ne pouvait se permettre de mourir maintenant.
L’importance des informations qu’elle transportait dépassait la sienne.
Ensuite ? Ensuite, Dieu déciderait. Le trépas lui importait peu
puisqu’elle emporterait avec elle son archange de chair et de sang.
    Le spectre ne vit d’abord que deux lacs d’ambre pâle, deux
lacs presque jaunes. Un regard immense. Puis une longue chevelure brune et
bouclée. Enfin, une petite bouche en cœur et une peau si pâle qu’elle semblait
lunaire. L’ordre claqua en même temps qu’une main fine tirait une courte épée
d’un fourreau de ceinture.
    — Démonte. Démonte et viens te battre.
    Cet invraisemblable revirement fit hésiter le fantôme. La
jeune fille poursuivit d’une voix

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