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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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la
terre. Notre ami Nogaret a d’autres idées en tête.
    — Que t’en chaut-il ? Tu es payé, non ?
    — Il m’en chaut, tout au contraire. Connaître la pensée
des grands, c’est anticiper leurs besoins, et parer à leurs coups de l’âne. Et
nous autres, pauvres prêteurs sans défense, sommes toujours à la merci d’une
bonne ruade en guise de reconnaissance. Ainsi va le monde.
    — Les larmes me suffoquent.
    La rebuffade n’ébranla pas le méchant rat, qui
insista :
    — Et donc, qu’en avez-vous pensé ?
    — Une chose fort intéressante, dont tu n’as peut-être
pas encore pris la mesure.
    — Laquelle ? demanda Capella.
    — Tu viens de trahir monsieur de Nogaret. Tu lui as
tendu un piège, et s’il venait à l’apprendre... débrouille-toi pour mourir très
vite.
    C’était si évident que Giotto n’y avait pas songé. Il
s’était précipité vers l’avant pour fuir une menace et toute sa ruse, toute son
habitude du calcul ne l’avaient même pas averti qu’il s’en créait une autre,
bien pire que la pré cédente.
    Dix minutes après leur départ, l’huissier fit pénétrer une
silhouette engoncée dans une épaisse robe de bure dans le bureau de Guillaume
de Nogaret.
    — Alors ?
    — Nous approchons du but, monseigneur. Tout est en
place selon vos vœux.
    — Bien. Poursuis ton travail. Ta peine sera rémunérée
ainsi qu’il a été convenu. La plus parfaite discrétion est de rigueur.
    — La discrétion est mon métier et mon talent.
    Pris d’un doute, Nogaret demanda :
    — Que penses-tu de nos affaires ?
    — Je pense ainsi que vous me payez, messire. Vos
affaires sont donc de la plus noble nature.

 
     
Château de Larnay, Perche, juillet 1304
    Sexte* venait de s’achever lorsque le comte Artus d’Authon
avait démonté dans la cour intérieure du château de Larnay. Il avait aussitôt
songé à Agnès, à son enfance de bâtarde entre ces murs.
    L’effervescence qui avait suivi son arrivée l’eut sans doute
distrait en d’autres circonstances. Cependant, il avait passé les quelques
jours qui s’étaient écoulés depuis sa rencontre avec la dame de Souarcy dans
une tension qui avait rendu son humeur instable, et la demi-heure de patience
qu’on venait de lui infliger ne l’améliorait en rien.
    Une matrone fonça dans sa direction, s’éventant de son
tablier en signe d’affolement :
    — Monseigneur, monseigneur..., bafouilla-t-elle en
s’agenouillant presque devant lui. C’est que mon maître est absent... Oh, mon
Dieu, gémit-elle comme si la fin du monde s’annonçait.
    Artus ne l’ignorait pas. Le commerce d’Eudes de Larnay
l’emmenait chaque fin de mois jusqu’à Paris. C’était, au demeurant, ce qui
avait poussé le comte à parcourir la quinzaine de lieues qui séparaient Authon
du château du petit baron.
    — Madame son épouse serait-elle souffrante ?
    La femme comprit le reproche, et s’embourba dans ses
explications.
    — Que nenni, que nenni, elle est en belle santé, étant
entendu que son terme approche, Dieu grand merci. Elle se prépare à vous
recevoir dignement depuis qu’on lui a annoncé votre venue... Elle somnolait,
aussi... Mais je suis une vieille folle jacassière... Suivez-moi, monseigneur,
s’il vous plaît. Ma dame vous rejoindra sous peu.
    Artus songea que la charmante bécasse dont le silence
habituel recouvrait un désert d’intelligence devait se ronger les sangs dans sa
chambre, maudissant l’absence de son mari, se demandant ce qu’elle devait dire,
taire, éviter, proposer afin de ne pas mériter les foudres d’Eudes à son
retour.
    Enfin, Apolline de Larnay apparut, précédée par un pesant
nuage aillé. Artus ne l’avait pas revue depuis l’évidence de sa grossesse, et
son allure le déconcerta. Elle faisait partie de ces femmes auxquelles
l’attente d’enfant ne seyait pas. Son visage d’habitude fort plaisant était
enlaidi d’un masque grisâtre et des cernes violaçaient le haut de ses
pommettes. Il tendit la main vers elle afin de lui éviter une révérence, et la
salua d’un menteur :
    — Madame, vous êtes radieuse.
    — C’est que vous êtes homme de charité, monsieur,
rétorqua-t-elle, lui prouvant qu’elle n’était pas dupe de sa flatterie. Mon
époux est...
    — ... absent, on me l’a appris. C’est fâcheux.
    — Aviez-vous urgence à discuter ?
    — Urgence serait excessif. Disons que je souhaitais
l’entretenir d’un projet que j’ai

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