Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
formé.
    Quelque chose avait changé chez elle. Une infinie tristesse
semblait maintenant habiter la jolie oiselle sans cervelle qu’il avait connue.
    — Eudes... Les affaires accaparent mon mari au point
que je ne l’ai entraperçu qu’une fois en un mois.
    — Les extractions minières sont fort contraignantes.
Elle leva le regard vers lui, et il lui sembla qu’elle luttait contre les
larmes. Pourtant, elle répondit :
    — C’était, en effet, son explication. (Puis, se
reprenant, elle offrit :) Je manque à tous mes devoirs... La chaleur a dû
vous accabler durant votre voyage. Une bolée de cidre devrait vous dessoiffer.
    — Volontiers.
    Elle donna des ordres pendant qu’il s’installait sur l’un
des bancs de la grande table. Elle s’assit en face de lui, de trois quarts tant
la proéminence de son ventre la gênait. Un silence embarrassé s’ensuivit, qu’il
rompit :
    — Saviez-vous que j’ai rencontré récemment votre sœur
d’alliance, madame de Souarcy ?
    Le visage de la petite femme grise s’illumina à la mention
de ce nom :
    — Agnès... et comment se porte-t-elle ?
    — Fort bien, m’a-t-il paru.
    — Et Mathilde ? Je ne l’ai pas vue depuis près
d’un lustre [73] .
    — C’est maintenant une charmante et très jolie
demoiselle.
    — Comme sa mère. Madame Agnès a toujours été un
éblouissement, et j’ai tant regretté jadis qu’elle n’accepte pas l’offre de mon
époux de s’installer avec sa fille au château. La vie à Souarcy est si
précaire, si difficile pour une veuve que rien ne prédisposait aux travaux
agricoles. Nous aurions été sœurs et j’aurais ainsi eu de la compagnie, la
meilleure. Elle est si vive, si bonne.
    — C’eut été une bien satisfaisante solution pour tout
le monde. Et pourquoi l’a-t-elle repoussée ?
    Une ombre voila le regard d’Apolline de Larnay. Elle mentit
si mal qu’il sentit tout le chagrin qu’elle tentait de dissimuler :
    — Oh, je l’ignore... Peut-être un attachement à ses
terres.
    Ce qu’il avait pressenti se confirmait : Eudes de
Larnay avait de la protection de sa demi-sœur une idée qui confinait au
sacrilège. Le petit baron avait jusque-là agacé Artus par sa fatuité, sa
poltronnerie et ses habitudes de soudard avec les femmes, mais l’exaspération
cédait place à l’aversion que lui inspirait ce genre de perversités [74] .
    La légèreté de beau papillon de la douce Apolline n’était
plus que cendres, grises comme elle. Cela aussi, Eudes l’avait ravagé. Une
peine diffuse envahit le comte à cette constatation, et il s’en voulut d’avoir
mené aux demi-confidences cette jeune femme qu’il avait un jour trouvée bien
sotte.
    Il prit congé d’elle avec une amitié qu’il se sentait pour
la première fois, en lui recommandant :
    — Prenez grand soin de vous, madame. Vous et l’enfant
que vous portez êtes précieux.
    À quoi elle répondit dans un murmure :
    — Croyez-vous, monsieur ?
    Le retour vers Authon ne dissipa pas son malaise. Le soir
tombait déjà lorsqu’il rejoignit Monge de Brineux, son grand bailli, qui
l’attendait dans la bibliothèque.
    La pièce en rotonde, de taille modeste, était l’une des
préférées d’Artus. Il y avait amassé une jolie collection de livres, rapportée
de ses errances de par le monde. Il s’y sentait en territoire propice,
environné de souvenirs dont il avait oublié la plupart des détails. Tant
d’êtres croisés, tant de noms prononcés, tant de lieux traversés ; au bout
du compte, si peu d’ancrages.
    Monge dégustait un vin de fruits et se gavait de pâtes de
coing au miel. Il se leva à son entrée en déclarant :
    — Ah, monsieur, vous me sauvez de l’écœurement.
    — Pourquoi faut-il que vous avaliez ces friandises par
poignées ?
    — Leur suavité m’apaise.
    — J’attends donc la mauvaise nouvelle.
    La perspicacité du comte n’étonna pas Monge de Brineux.
Pourtant, son air sombre l’inquiéta :
    — Quelque chose vous préoccupe, messire ?
    — Il conviendrait d’accorder cette phrase au pluriel.
Je n’y comprends rien. Mais allons Brineux, décochez.
    — Un de mes sergents est arrivé ce midi à bride
abattue. Une autre victime défigurée a été retrouvée dans les bois des
Clairets, presque à l’orée. Il semble que celui-là soit mort il y a peu.
    — Un moine ?
    — De toute évidence.
    — Presque à l’orée, dites-vous ?
    — En effet, messire. C’était

Weitere Kostenlose Bücher