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Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

Titel: Les chevaliers de la table ronde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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épouser
la reine Guenièvre et qui t’ai averti qu’elle te perdrait un jour, sans le
vouloir, après t’avoir fait regagner ton royaume perdu. J’ai tenu mon rôle, roi
Arthur, j’ai accompli ma mission près de toi, cette mission qu’à ma naissance
Notre Seigneur m’avait confiée. Permets à présent que je me retire de ce monde
qui ne m’apporte plus que tristesse et chagrin. »
    Arthur demeura silencieux, le cœur étreint par une indicible
angoisse. « Ah ! Merlin, dit-il, je ne pourrai jamais t’oublier ! »
Merlin se mit à rire et dit : « Personne ne pourra m’oublier ! »
Et il s’en alla rôder dans les rues de la forteresse, complètement indifférent
à ce qui se passait, ne répondant à aucun salut, plongé dans d’étranges
rêveries. C’est alors que Morgane l’aborda. « Merlin, dit-elle, pourquoi m’abandonnes-tu ?
Pourquoi pars-tu ainsi pour te livrer aux caprices d’une fille qui ne pense qu’à
profiter de ta science ? – Tais-toi, Morgane, je sais très bien ce que je
fais. Les hommes diront que j’étais fou. Ils l’ont déjà dit lorsque j’errais
dans la forêt de Kelyddon, à la recherche de mon âme qui s’était égarée. Merlin
le Fou, oui, pourquoi pas ? Mais qu’est-ce que la folie, Morgane ? Quand
je vois les humains s’agiter autour de nous en faisant semblant d’être sages, j’ai
envie de rire, mais aussi de pleurer, car la folie n’est pas toujours où l’on
croit qu’elle se trouve.
    — Je te trouve bien amer et bien désabusé, reprit
Morgane, et pourtant, tu peux te vanter d’avoir accompli des prodiges. Et à moi,
tu m’as enseigné ce que j’ignorais encore : je ne serais rien sans toi. Mais
j’ai encore besoin de toi, Merlin. Tu connais mes faiblesses qui sont grandes, et
tu as toujours su me les montrer. J’ai besoin de toi. » Merlin réfléchit
un instant. « Tu dis vrai, Morgane, répondit-il, je connais tes faiblesses
et je sais que tu peux être d’un grand danger pour les hommes et les femmes de
ce royaume. Tu es intrigante, tu es orgueilleuse, tu es assoiffée de pouvoir, tu
es sans scrupule. Mais tu es Morgane, et c’est sur toi que repose la fin des
aventures. Tu le sais aussi bien que moi, toi qui as la vision du passé et de l’avenir. »
Morgane se fit suppliante : « Aide-moi, Merlin », dit-elle. Alors
Merlin tira de son doigt une bague dont le chaton était une pierre d’un bleu intense
et la tendit à Morgane. « Prends cette bague, dit-il, et fais en sorte qu’elle
ne te quitte jamais. Quand tu auras besoin de moi, tu tourneras le chaton vers
toi et tu regarderas dans la pierre. Alors tu me verras et tu pourras me parler.
Mais sache bien que c’est toi seule qui dois accomplir le rituel. De mon côté, je
ne peux rien entreprendre si tu ne me sollicites pas. Et prends bien garde de
ne révéler à personne ce secret, car il te serait impossible de me parler. »
Morgane prit la bague, l’examina attentivement et la passa à l’un de ses doigts.
« Je ne m’en séparerai jamais, dit-elle. Je te remercie, Merlin, de ta
confiance. » Merlin la regarda bizarrement : « Il s’agit bien de
confiance ! s’exclama-t-il en ricanant. Je n’ai pas plus confiance en toi
que tu n’as confiance en moi ! Nous sommes seulement de même nature, toi
et moi, depuis le temps que nous rôdons à la frontière de deux mondes ! »
    Il s’éloigna sans ajouter un mot. Morgane le suivit du
regard, et comme il franchissait les portes de Kaerlion, elle monta sur les
remparts pour voir où il allait. Il marchait sur le chemin, enveloppé dans son
grand manteau gris. Et quand il disparut dans les profondeurs d’un bois, une
troupe d’oiseaux noirs vint tourbillonner au-dessus de la forteresse.
    Quand il fut arrivé près du Lac de Diane, Merlin s’assit sur
un rocher, au bord de l’eau. De ses yeux perçants, il voyait le château de
cristal que Viviane et lui avaient fait surgir au fond du lac. Il sourit et se
retourna : Viviane était là, frémissante dans les plis de sa longue robe
couleur safran, les cheveux dénoués qui flottaient dans le vent, les lèvres
plus rouges et plus désirables que jamais. « Je t’avais promis le secret, dit
Merlin. Je vais donc t’apprendre comment bâtir une tour avec des murailles d’air,
une tour invisible où tous ceux qui y pénétreront y demeureront pour l’éternité. »
Il la prit par la main et l’entraîna dans le bois, et quand ils furent

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