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Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

Titel: Les chevaliers de la table ronde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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chêne [133] .
    Il y avait déjà de longues semaines que Merlin avait pris congé
du roi Arthur. Chaque jour qui passait, le roi était de plus en plus dolent et
soupirait, ne pouvant croire qu’il ne reverrait jamais plus celui à qui il
devait tant. Et il semblait si triste et désespéré qu’un jour Gauvain lui
demanda ce qu’il avait. « Beau neveu, répondit Arthur, je pense que j’ai
perdu Merlin, et j’aimerais mieux avoir perdu mon royaume ! – Mon oncle, dit
Gauvain, par le serment que je fis lorsque je fus armé chevalier, je te jure
que je chercherai Merlin pendant un an et un jour, quelles que soient les
aventures qui puissent m’advenir ! » Et Gauvain, fils du roi Loth, après
s’être équipé de la meilleure façon, monta sur son cheval, le Gringalet, et s’éloigna
de la cité de Kaerlion à la recherche de Merlin. Il erra longtemps par tout le
royaume, et, un jour qu’il chevauchait dans une forêt, pensif et songeant
tristement que sa quête n’aboutissait à rien, il croisa une jeune fille montée
sur le plus beau palefroi du monde, noir, harnaché d’une selle d’ivoire aux
étriers dorés, dont la housse écarlate allait jusqu’à terre, dont le frein
était d’or et les rênes d’orfroi. Elle-même était vêtue d’une robe de soie blanche
et, pour éviter le hâle, elle avait recouvert sa tête d’une étoffe de lin et de
soie. Plongé dans sa rêverie, Gauvain ne la remarqua même pas. Alors, après l’avoir
dépassé, la jeune fille fit tourner son palefroi et lui dit.
    « Gauvain ! On assure que tu es l’un des meilleurs
chevaliers qui soient au monde, ce qui est sans doute vrai. Mais on ajoute que
tu es le plus courtois, le plus affable et le plus aimable. Je pense que c’est
une fausse réputation, car je te crois semblable au plus vil des manants. Tu me
rencontres seule en cette forêt, loin de tout, et tu n’as même pas la
délicatesse de me saluer ! – Jeune fille, répondit Gauvain, tout confus, je
te supplie de me pardonner ! – S’il plaît à Dieu, reprit la jeune fille, tu
le paieras très cher. Ainsi, une autre fois, tu te souviendras qu’il faut saluer
une femme quand on en rencontre une. En attendant, je te souhaite de ressembler
au premier homme que tu croiseras ! »
    Gauvain n’avait pas chevauché plus d’une lieue galloise qu’il
rencontra un étrange couple : une belle jeune fille et un nain, tous deux
richement parés. Il les reconnut bien, car c’était le nain qu’avait adoubé le
roi Arthur en dépit des perfidies de Kaï. Il avait pour père le roi Brangore d’Estrangore,
et c’était, en dépit de sa taille un vaillant et courageux chevalier. Gauvain n’oublia
pas de les saluer. « Que Dieu te donne joie, jeune fille, ainsi qu’à ton
compagnon ! – Que Dieu te donne bonne aventure ! » répondirent
ensemble le nain et son amie.
    À peine l’avaient-ils dépassé que le nain sentit qu’il
reprenait sa première forme, et il devint un jeune homme de vingt-deux ans, droit,
haut et large d’épaules, si bien qu’il lui fallut ôter ses armes qui n’étaient
plus à sa taille. Quand elle vit son ami retrouver ainsi sa beauté, la jeune fille
lui jeta ses bras au cou et le baisa plus de cent fois de suite. Et tous deux
remercièrent Notre Seigneur d’avoir accompli ce miracle, bénissant le chevalier
qui, en les saluant, leur avait ainsi porté bonheur.
    Pendant ce temps, Gauvain n’avait pas franchi trois traits d’arc
qu’il sentit les manches de son haubert lui descendre au-delà des mains et les
pans lui en couvrir les chevilles. Ses deux pieds n’atteignaient plus les
étriers et son bouclier s’élevait maintenant au-dessus de sa tête. Il se souvint
de la menace de la belle jeune fille qu’il avait oublié de saluer et comprit qu’il
avait pris la forme du premier homme qu’il avait rencontré : il était
devenu un nain. Il en fut bien confus et attristé. À la lisière de la forêt, il
s’approcha d’un rocher sur lequel il descendit. Alors, il raccourcit la
longueur de ses étrivières, releva ses manches et les pans de son haubert, ses
chausses de fer aussi qu’il fixa avec des courroies. Il s’accommoda du mieux qu’il
put. Après quoi, il reprit sa route, honteux et angoissé, mais bien décidé à
tenir son serment jusqu’au bout.
    Partout où il passait, il demandait des nouvelles de Merlin :
mais il ne recueillait que moqueries et plaisanteries à cause de sa taille et
de ses

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