Les chevaliers de la table ronde
prononcer si elles correspondaient à la vérité. Le roi la
reconduisit à sa place et dit au vieillard : « À présent, tiens ta
promesse. – Bien volontiers », répondit celui-ci. Mais, à ce moment, Ygerne
se releva et se précipita vers lui en criant : « D’abord, ton nom ! »
Alors, sous les yeux stupéfaits de tous les assistants, Merlin reprit la forme
sous laquelle tous les gens du royaume le connaissaient. Il se mit à rire et
dit : « Dame, si tu ignores mon nom, je te le dirai, mais je pense
que tu m’as déjà vu et que tous ceux qui sont ici savent qui je suis. » La
reine le regarda. Elle le reconnaissait bien, et elle lui répondit :
« Je vois bien, Merlin, que tu veux me faire passer pour coupable, et cela
au mépris de toute justice, car pour ce qui est de l’enfant, je n’ai agi que
sur l’ordre de mon seigneur le roi. C’est donc à toi, Merlin, de me rendre l’enfant
que tu m’as pris. Sinon, tu mourras, car, je le jure sur ma tête, c’est à toi
qu’il a été confié, je le sais bien. Et si tu nies cette évidence, je te ferai
mettre à mort et tous tes sortilèges ne sauront te préserver du sort qui t’attend ! »
Le roi intervint et s’adressa aux assistants : « Seigneurs
barons, dit-il, je voudrais savoir de vous si cet homme qui est là est vraiment
Merlin, le conseiller du roi Uther, le sage devin dont j’ai tant entendu parler. »
Les barons, qui avaient vu bien souvent Merlin, et qui l’avaient reconnu, ignorant
qu’Arthur le connaissait, s’écrièrent tous d’une seule voix : « Oui, roi
Arthur, c’est bien Merlin, le devin ! » Alors Arthur dit à Merlin :
« C’est à ton tour de répondre à l’accusation de la reine Ygerne. Tu dois
te justifier. Et si tu es coupable, tout devin que tu es, tu seras châtié comme
il se doit. »
Merlin se mit de nouveau à rire, puis il dit : « Seigneur
roi, bien volontiers, et sache que je ne mentirai pas. Il est vrai que cet
enfant dont on parle me fut donné dès sa conception. Ainsi en avait décidé son
père, le roi Uther Pendragon, que ce soit un garçon ou une fille. Mais moi, je
savais que ce serait un garçon. Quand il naquit, selon la volonté de Dieu, les
parents tinrent leur promesse, même si cela leur déchirait le cœur, et ils me
le donnèrent. Je l’ai donc emporté avec moi et je l’ai mis en sûreté, le
confiant à des gens que je savais honnêtes et dévoués, et ce sont ces gens qui
l’ont élevé avec encore plus de tendresse que leur propre enfant, nombreux sont
ceux qui peuvent en témoigner. »
Merlin se dirigea alors vers la place où se tenait Antor et
dit à celui-ci : « Antor, je te réclame celui que je t’ai confié, cet
enfant que tu as élevé sans même savoir que c’était le fils d’Uther Pendragon. Cet
enfant, on me le réclame aujourd’hui en m’accusant de l’avoir fait disparaître.
Rends-le-moi. » Antor, très ému, se leva et s’en alla près du roi. Après
avoir beaucoup hésité, il prit Arthur par le bras et dit : « Merlin, voici
celui que tu m’as confié un soir, et que j’ai élevé comme s’il était mon propre
fils ! L’ai-je bien gardé ? – Si c’est bien l’enfant que je t’ai
confié, on ne peut, semble-t-il, rien te reprocher, dit Merlin. Mais tu
conviendras qu’avant de te croire, j’ai encore besoin d’autres preuves. – Je le
prouverai par le témoignage de mes voisins. Ils savent bien quel jour l’enfant
m’a été remis, eux qui, depuis ce temps-là, ont toujours vécu auprès de lui. »
Antor fit alors venir ses voisins qui, sans plus de façons, se portèrent
garants de ses paroles. « Très bien, dit Merlin. Encore faut-il que vous
précisiez tous quel jour et à quelle heure l’enfant lui fut remis – Nous le
savons », dirent-ils tous ensemble. Ils révélèrent alors le jour et l’heure
où ils avaient vu et entendu un homme remettre à Antor un nouveau-né enveloppé
de langes. Et Urfin vint témoigner que cela correspondait étroitement à la date
à laquelle l’enfant d’Uther et d’Ygerne avait été remis, par une servante, à la
porte de la forteresse de Tintagel, à un homme qui s’était éloigné ensuite sur
son cheval au galop. Et il vint également un prêtre qui affirma qu’il avait
baptisé, le matin suivant, un très jeune enfant du nom d’Arthur. Merlin se
tourna vers les barons : « Seigneurs, demanda-t-il, puis-je me
considérer comme innocenté par ces
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