Les chevaliers de la table ronde
mère de Kaï, et comment il avait assisté le roi Uther Pendragon
dans ses derniers instants, lui promettant que son fils régnerait sur la Bretagne.
Et surtout il expliqua à Arthur pourquoi il avait agi ainsi : il fallait
que la volonté de Dieu s’accomplît de cette façon afin qu’autour d’un roi
valeureux surgi de l’ombre fussent réunis les meilleurs chevaliers du monde. Enfin,
il lui parla du Saint-Graal, cette coupe d’émeraude dans laquelle Joseph d’Arimathie
avait recueilli le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, et lui annonça qu’un
jour il devrait envoyer ses chevaliers à la recherche du Château Aventureux, dans
les Vaux d’Avalon, où était gardée la sainte relique. Arthur écoutait Merlin
avec attention, et il comprenait que tout ce qui s’était passé faisait partie d’un
plan mystérieux élaboré par Dieu de toute éternité, et dont seul Merlin le
Devin connaissait la substance.
« Mais, dit le roi, quelque chose me tracasse : pourquoi
ai-je commis ce péché avec ma sœur ? Je sais bien maintenant, après ce que
tu m’as dit, qu’il s’agit de la femme du roi Loth. Or, si j’avais eu
connaissance de mes origines, rien de tout cela ne serait arrivé ! – Certes,
répondit Merlin, mais, sans l’ignorance, que serait donc la liberté humaine ?
– Dis-moi au moins comment je pourrai réparer cette faute que j’ai commise sans
le savoir. – Tu ne le peux pas, répondit Merlin, car ce qui est fait est fait. Je
ne peux rien moi-même à ce propos, sinon en respecter le secret. En revanche, je
ferai en sorte de prouver, et à toi et au peuple, que tu es bien le fils d’Uther
Pendragon et de la reine Ygerne. »
Sur ces entrefaites arrivèrent les gens du roi qui
cherchaient leur seigneur à travers toute la forêt. Ils furent très joyeux de
le retrouver. Le roi monta aussitôt sur un cheval et en fit donner un à Merlin.
Tous deux se dirigèrent alors vers Kaerlion, et, chemin faisant, Merlin
poursuivit sa conversation avec Arthur, lui disant comment il allait agir pour
que les gens du royaume fussent certains qu’il était le fils d’Uther. « Je
veux donc, dit-il, que tu ordonnes à tous tes barons d’être présents à la cour
le prochain dimanche, en compagnie de leurs épouses. Tu diras également à la
reine Ygerne de venir et d’amener avec elle sa fille Morgane. Lorsque Ygerne
sera arrivée et que tous les grands seigneurs seront rassemblés dans ta grande
salle, je ferai en sorte, avec l’aide de Dieu, qu’elle te reconnaisse pour son
fils. Et quels que soient les moyens que j’emploierai dans ce but, je te
demande de ne pas t’étonner et de faire exactement ce que je te demanderai. – J’ai
confiance en toi, Merlin, répondit le roi. Agis comme bon te semble. »
Merlin lui dit encore : « À ton avis, roi Arthur, qui
était donc cet être semblable à un garçon de quatre ans avec qui tu parlais
avant que je vienne te trouver ? – Sur le moment, je ne savais que penser,
répondit le roi, mais maintenant je suis bien persuadé que c’était toi, car j’ai
souvent entendu dire que tu changeais d’apparence et de figure autant de fois
que tu le voulais. À mon avis, ce jeune garçon et toi, vous ne faites qu’un !
– En effet, c’était bien moi, et tu as été abusé par une apparence comme le fut
ta mère la nuit où tu as été conçu. Elle croyait en effet coucher avec son mari
et non avec le roi Uther Pendragon. »
Ils arrivèrent ainsi à la forteresse de Kaerlion. Le roi mit
pied à terre dans la grande cour, aida Merlin à descendre et l’emmena dans sa
demeure, tout joyeux d’accueillir celui qui avait été le sage conseiller de son
père. Il envoya aussitôt des messagers auprès de ses barons pour les convoquer
au jour dit à la cour. Il prit soin également d’envoyer un homme de confiance à
la reine Ygerne pour lui ordonner de venir en personne, accompagnée de sa fille
Morgane. Quand Ygerne apprit la nouvelle, elle eut grand-peur que le roi ne
voulût la dépouiller de sa terre et la déshériter. Elle demanda donc au roi
Loth, à sa fille et à tous les autres membres de sa famille de venir avec elle
pour la défendre, le cas échéant, contre le roi. De son côté, Merlin convoqua
Urfin, qui se hâta de venir dès qu’il sut que le devin était de retour. Quand
Urfin fut arrivé, Merlin l’emmena immédiatement auprès d’Antor, le père
nourricier d’Arthur.
Merlin dit à Urfin : « Tu sais bien
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