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Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

Titel: Les chevaliers de la table ronde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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et le frappe en plein corps. Et s’il tente de s’en
approcher et de la saisir, elle jaillit aussitôt du fourreau et vient le percer.
Cette épée a une telle vertu qu’elle me tient toujours sous sa garde. J’aurais
pu ne pas te prévenir, mais je serais très malheureuse si tu mourais à cause de
moi. »
    Gauvain se trouvait dans le plus grand embarras. Il n’avait
jamais entendu parler d’un péril de cette nature, et il se demandait si la
jeune fille ne lui avait pas dit cela pour se protéger et l’empêcher d’aller
plus loin dans le jeu d’amour. De plus, il avait une forte envie de la jeune
fille, et d’autre part, il se disait que s’il se dérobait, il serait ridiculisé,
car on finirait bien par savoir qu’il s’était trouvé nu à nue dans un lit avec
la plus belle fille du monde en s’abstenant de jouir d’elle. Il lui paraissait
donc préférable de mourir glorieusement plutôt que de vivre plus longtemps dans
le déshonneur. « Belle, dit-il, rien n’y fait. Je suis dans un tel état qu’il
me faut devenir ton amant ! – Du moins, tu ne pourras rien me reprocher »,
répondit-elle. Il la serra alors de si près qu’elle poussa un cri. Aussitôt, l’épée
surgit du fourreau et vint frôler le flanc de Gauvain, lui arrachant un morceau
de peau. La blessure était superficielle, mais l’épée traversa les couvertures
et les draps et s’enfonça jusqu’au matelas. Puis elle remonta et revint se
placer dans le fourreau.
    Gauvain en demeura tout interdit. « Tu as vu que je ne
mentais pas, dit la jeune fille. Et ce n’était pas pour me dérober à toi que je
t’ai averti ! » Gauvain se plongea dans d’amères pensées. Les cierges
brûlaient toujours dans la chambre et répandaient leur clarté sur le corps de
la jeune fille. Gauvain voyait la finesse de sa peau, la blondeur de ses
cheveux, la finesse de ses sourcils, le charme de ses lèvres, le velouté de son
cou et de sa poitrine. Non, décidément, il ne pouvait plus résister. Il s’approcha
d’elle, la serra très fort dans ses bras et il se préparait à la pénétrer quand
l’épée surgit encore de son fourreau, tomba et vint le frapper d’un coup plat
sur la nuque. Mais, ce faisant, elle vacilla un peu et toucha l’épaule droite, lui
cisaillant trois doigts de peau. Puis elle se ficha dans la couverture de soie
avant de remonter et de reprendre sa place dans le fourreau. Gauvain, qui se
sentait légèrement blessé, comprit qu’il valait mieux ne pas insister, et le
reste de la nuit se passa sans incident. Cependant, ni lui ni la jeune fille ne
purent dormir.
    Dès que le jour parut, l’hôte se leva très vite et vint à la
chambre. Il ne resta pas silencieux mais appela à haute voix. La jeune fille se
leva, ouvrit la porte, puis revint s’allonger toute nue auprès de Gauvain. Quand
il vit les deux jeunes gens tranquillement étendus, il leur demanda comment ils
allaient. « Très bien, merci, répondit Gauvain. – Comment ? reprit l’hôte,
tu es encore en vie ? – Tu le vois bien, dit Gauvain. Je n’ai rien fait
qui pût entraîner ma mort, et si, dans ta demeure, tu me faisais subir de
mauvais traitements sans le moindre motif, ce serait une injustice. »
Cependant l’hôte s’était approché du lit. Il vit nettement la couverture
déchirée et les draps tachés de sang. « Explique-moi d’où provient ce sang !
s’écria-t-il. – Seigneur, répondit Gauvain, l’épée m’a blessé en deux endroits,
mais ce sont des blessures sans gravité. – C’est bon, dit l’autre. Je vois que
tu n’es pas mort. Mais si tu veux retrouver ta liberté, il faut que tu me dises
de quel pays tu es et quel est ton nom. – Volontiers, seigneur. Je suis Gauvain,
fils du roi Loth d’Orca-nie, et mon oncle est le roi Arthur. »
    L’hôte s’était subitement radouci et semblait ne manifester
aucune mauvaise intention. « Sur ma foi, dit-il, je sais que tu es un bon
et brave chevalier, et qu’il n’y en a pas de meilleur par le vaste monde. Sache
que si je vous ai mis à l’épreuve, toi et les chevaliers qui ont couché avant
toi dans ce lit, c’était pour que le meilleur d’entre vous pût se manifester. C’est
cette épée qui devait me le révéler, car je savais qu’elle l’épargnerait. Or, elle
a bien fait ses preuves, et puisque Dieu l’a voulu ainsi, je ne saurais trouver
meilleur homme que toi pour lui donner ma fille. Je te la donne donc très
loyalement, et plus jamais

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