Les chevaliers de la table ronde
lui. – Je vais
te raccompagner chez ton oncle, dit Gauvain. – Bien volontiers, seigneur »,
dit la jeune fille.
Ils eurent tôt fait d’arriver à la demeure de l’oncle. Celui-ci
fut très heureux lorsqu’il apprit ce qui s’était passé. Il félicita grandement
Gauvain et lui offrit l’hospitalité pour le temps qu’il voudrait. « Je te
remercie, seigneur, répondit Gauvain, mais je me dois d’accomplir ce pour quoi
je suis venu ici. » Il prit congé du vavasseur et de la jeune fille et
retourna auprès du corps du chevalier rouge, car il n’avait pas oublié ce qu’il
avait promis à son malheureux adversaire. Il chargea le corps sur son cheval et,
passant dans un village où se trouvait une petite église, il le fit enterrer
dans le cimetière. Puis il demanda au prêtre qui desservait l’église de
célébrer une messe pour le repos de l’âme du défunt. Alors Gauvain repartit sur
le Gringalet, à la recherche des domaines du magicien Assentin.
Il erra plusieurs jours, traversant des plaines et des
vallées, interrogeant les bergers et les villageois qu’il rencontrait. On finit
par lui indiquer la bonne direction, et il se trouva bientôt en vue d’une
forteresse qui surplombait un ravin très profond et très sombre et qu’on voyait
surgir d’un épais brouillard de couleur grise. L’aspect de cette forteresse
était terrifiant, d’autant plus qu’on entendait, alentour, des rugissements de
bêtes sauvages et qu’on voyait tournoyer dans le ciel des nuées d’oiseaux de
proie. Gauvain, évitant de se laisser impressionner, continuait son chemin, bien
décidé à aller jusqu’au bout et confiant dans la vertu merveilleuse de l’épée
aux deux renges.
Il arriva ainsi au bord d’une rivière. Mais il s’aperçut que
c’était une rivière de feu : les flammes en occupaient tout le lit, et il
semblait impossible de les franchir. Gauvain longea la rivière, mais plus il
allait, plus il s’éloignait de la forteresse, et il ne découvrit aucun pont, aucun
endroit où il eût pu passer de l’autre côté. Il pénétra dans un enclos planté
de beaux arbres, et où des fleurs répandaient des parfums enivrants. Harassé
par sa course et désespéré de ne pas trouver de passage, il s’arrêta, descendit
de cheval et s’allongea sous les branches d’un tilleul afin de se reposer. Mais
il ne fut pas plus tôt allongé qu’il s’endormit d’un sommeil profond.
Pendant qu’il dormait ainsi, un renard surgit d’un fourré
avoisinant et se dirigea vers lui. Le renard commença par lui enlever l’épée qu’il
traîna jusqu’à un buisson pour l’y cacher. Puis, de ses dents aiguës, il brisa
le bouclier de Gauvain et déchira ses vêtements. C’est alors que Gauvain s’éveilla
en sursaut. Il constata l’état dans lequel il était et aperçut le renard près
de lui. Comprenant que l’animal était l’auteur de ce forfait, il le saisit de
ses mains puissantes et se préparait à l’étrangler quand le renard se mit à
parler : « Ne me tue pas, dit-il, car je peux t’aider à trouver ce
que tu cherches ! » Gauvain fut bien ébahi. Il lâcha le renard.
« Qui es-tu donc ? demanda-t-il. – Je n’ai pas toujours été sous
cette forme, dit le renard. J’étais un jeune homme d’une noble famille, mais ma
marâtre, qui voulait privilégier son fils à elle, m’a lancé un sortilège. C’est
pourquoi je suis sous l’aspect d’un renard. Mais j’ai cependant gardé la voix d’un
homme. Écoute-moi bien : si tu me fais confiance, je vais t’indiquer
comment pénétrer dans la forteresse du magicien Assentin. Car si tu parviens à
le vaincre, le sortilège qui pèse sur moi sera levé. J’ai donc tout intérêt à
ce que tu réussisses dans ton entreprise. Si j’ai déchiré tes habits, brisé ton
bouclier et caché ton épée, c’était pour voir comment tu pouvais réagir. »
Le renard indiqua à Gauvain la cachette où se trouvait l’épée,
puis il le conduisit à un endroit où l’on voyait un grand trou dans le sol.
« C’est l’entrée d’un souterrain qui passe sous la rivière de feu et qui
te permettra d’arriver sans encombre de l’autre côté. Laisse ton cheval ici :
il aura de quoi pâturer dans cet enclos qui m’appartient et dans lequel je ne
laisserai entrer âme qui vive. Quand tu auras vaincu le magicien, tu reviendras
ici par le même chemin, et tu pourras retrouver ton cheval. Mais fais bien
attention à l’endroit
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