Les chevaliers de la table ronde
la garde dans la poitrine du monstre. Celui-ci
poussa des hurlements épouvantables et s’écroula sans vie sur le sol rugueux. Mais
aussitôt, d’une anfractuosité qui se trouvait du côté opposé, un autre dragon, aussi
effrayant, surgit et vint l’attaquer. Gauvain se résolut à tenter la même manœuvre,
et il parvint ainsi à se débarrasser rapidement du deuxième monstre.
Épuisé par le combat, Gauvain s’allongea et reprit son
souffle. Les grands feux continuaient de brûler comme auparavant, comme si le
combustible était inépuisable. Gauvain se plongea dans de tristes pensées :
cette double victoire lui avait permis d’écarter un danger immédiat, mais il se
trouvait bel et bien enfermé dans le flanc de la montagne. Il fallait trouver
un moyen de sortir de là, et aussi de retrouver l’échiquier magique. Quand il
se fut suffisamment reposé, Gauvain se leva, prit son cheval par la bride et se
décida à suivre le souterrain par lequel étaient venus les deux monstres. C’était
un sombre couloir infesté de vapeurs suffocantes. Courageusement, Gauvain avançait
à pas rapides, et bientôt, il eut la surprise de déboucher en plein air, dans
une large vallée verdoyante, où chantaient des oiseaux de toutes espèces. Au
fond de la vallée, il y avait un lac, et de l’autre côté du lac, une forteresse
de pierre grise se dressait vers le ciel.
Gauvain remonta sur son cheval et, contournant le lac, il arriva
à la porte de la forteresse. Sans qu’il eût à demander quoi que ce fût, on lui
baissa le pont-levis, et des serviteurs vêtus de riches habits brodés vinrent à
sa rencontre. « Bienvenue à toi », dirent-ils. Ils le désarmèrent et conduisirent
le cheval à l’écurie. Puis, toujours avec courtoisie, ils l’invitèrent à les
suivre dans la grande salle où l’attendait le maître des lieux. Celui-ci était
assis sur un trône d’argent serti de pierres précieuses d’où émanait une grande
lumière. Cet homme était de taille moyenne, avec des cheveux très noirs et une
longue barbe qui commençait à grisonner. Il portait un manteau d’écarlate, et
sur sa tête une couronne d’or scintillait. Lorsqu’il vit entrer Gauvain, il se
leva et dit : « Bienvenue à toi, chevalier, qui que tu sois. Il était
dit depuis longtemps que seul le chevalier le plus courageux du monde pouvait
franchir les souterrains de la montagne sans connaître la peur. Tu te trouves
ici au Château des Merveilles et l’on m’appelle moi-même le Roi Merveille. »
Le roi fit asseoir Gauvain sur un siège recouvert de
fourrures, et des serviteurs vinrent apporter des rafraîchissements. Ils devisèrent
tous deux de choses et d’autres ; puis Gauvain expliqua sa présence en
disant qu’il était à la recherche d’un étrange échiquier qui était apparu dans
la forteresse du roi Arthur et qui avait la propriété de voler dans les airs.
« Cet échiquier m’appartient, dit le Roi Merveille, mais si tu veux bien
accomplir la mission que je vais te confier, c’est très volontiers que je t’en
ferai don. – Comment cela ? demanda Gauvain. – Ce n’est pas difficile, dit
le roi. Si tu suis la rivière, au fond de la vallée, tu parviendras au pied d’une
forteresse où réside le roi Amoran. Or, le roi Amoran possède une épée à deux
renges, qui a la particularité de rendre invincible celui qui la tient. Arrange-toi
pour te faire remettre cette épée par le roi Amoran, et donne-la-moi. Tu auras
l’échiquier en échange. – Je le ferai », dit Gauvain.
Le lendemain, de bon matin, après avoir passé la nuit au
Château des Merveilles, Gauvain partit sur le Gringalet et suivit la rivière
qui coulait au fond de la vallée. Après avoir chevauché ainsi une partie de la
journée, il déboucha dans une grande plaine où paissaient de nombreux troupeaux.
Et, de l’autre côté de la plaine, il aperçut une forteresse de pierre rouge qui
brillait dans les rayons du soleil. C’est vers la forteresse qu’il se dirigea, et
quand il fut parvenu à l’entrée, il demanda à voir le roi Amoran. On baissa le
pont-levis, on l’invita à pénétrer à l’intérieur, et, sans plus attendre, on le
conduisit près du roi Amoran.
Celui-ci se promenait le long des remparts avec quelques-uns
de ses familiers. Gauvain salua le roi. « Qui es-tu, étranger ? demanda
Amoran. – Je n’ai jamais caché mon nom, répondit Gauvain. Je suis Gauvain, fils
du roi Loth d’Orcanie, et
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