Les chevaliers de la table ronde
avec joie et, accompagné
d’Isabelle, il sortit de la forteresse, guidé par l’oiseau. Et celui-ci les
abandonna à l’entrée du souterrain avant de disparaître dans le ciel dans un
grand tourbillon de lumière.
Gauvain et Isabelle se retrouvèrent dans l’enclos du renard.
Celui-ci les attendait. « Maintenant, dit le renard à Gauvain, tu peux me
toucher du plat de cette épée. » Gauvain posa l’épée sur le dos du renard :
aussitôt celui-ci disparut dans une brume dorée et, quand la brume fut dissipée,
ils virent un beau jeune homme blond qui les saluait. « Merci à toi, Gauvain,
toi le meilleur des chevaliers ! s’écria-t-il. Grâce à ton courage et à ta
ténacité, tu as permis que fût levé le sortilège qui m’accablait. Je vais
pouvoir maintenant retourner dans mon pays et demander justice contre celle qui
m’avait plongé dans cet état. Quant à vous, ajouta-t-il, je ne peux que vous
souhaiter le plus grand bonheur du monde ! » Et il les quitta pour s’enfoncer
dans les bois. Gauvain retrouva le Gringalet dans l’enclos. Il y fit monter
Isabelle, et tous deux prirent le chemin des domaines du roi Amoran.
Or, quand ils parvinrent à la forteresse, on leur apprit que
le roi Amoran venait de mourir. Gauvain se trouvait de ce fait délié de la
mission dont le défunt l’avait chargé sous serment : non seulement il
pouvait garder l’épée aux deux renges, mais personne ne pouvait s’opposer à ce
que la jeune et belle Isabelle restât avec lui. Ils partirent immédiatement
pour le Château des Merveilles et, là, le Roi Merveille, comme il l’avait
promis, lui donna l’échiquier magique en échange de l’épée qui rendait invincible.
Et, toujours accompagné d’Isabelle, Gauvain revint à la cour du roi Arthur, offrant
à son oncle, devant tous les chevaliers assemblés, l’échiquier magique qu’il
avait eu tant de mal à conquérir. Alors le roi vint à lui, l’embrassa avec
chaleur, et dit d’une voix très forte : « Beau neveu, fils de ma sœur,
devant tous ces chevaliers qui sont présents, je te déclare le seul héritier de
mon royaume ! » Toute l’assistance applaudit et l’on donna, à cette
occasion, de grandes fêtes qui se poursuivirent pendant plusieurs jours et
plusieurs nuits [51] .
Cependant, à quelque temps de là, Arthur tenait cour ouverte
devant la forteresse afin que tous ceux du royaume qui avaient à se plaindre de
quelque chose pussent se présenter et demander justice. Le roi s’efforçait
ainsi de calmer les esprits et d’assurer l’harmonie parmi ses sujets. Et il
était déjà tard dans l’après-midi quand les guetteurs annoncèrent qu’une jeune
fille solitaire, très avenante et très belle, arrivait à grande allure sur une
mule. Mais la mule n’avait qu’un licol pour tout équipage : elle n’avait
point de frein [52] .
La jeune fille pénétra dans l’assemblée et s’arrêta devant
le roi. Là, elle descendit de sa mule, tandis que Kaï, Bedwyr et Gauvain allaient
vers elle pour l’aider si elle en avait besoin. Mais elle ne semblait pas d’humeur
à se livrer à des mondanités. Elle écarta les chevaliers et s’adressa ainsi à
Arthur, d’une voix qu’on sentait pleine de colère : « Roi, tu as la
réputation d’être juste et secourable, et tes compagnons sont de courageux chevaliers.
Voici ce qui m’amène : comme tu as pu le voir, ma mule n’a pas de frein. C’est
qu’on m’a volé ce frein auquel je tenais presque autant qu’à ma propre vie. Et
je n’aurai plus de joie tant que je ne l’aurai pas retrouvé ! Alors, je
demande solennellement à l’un de tes chevaliers de partir à sa recherche, pendant
que moi-même j’attendrai ici qu’il revienne avec l’objet que je désire tant. Ce
chevalier n’aura qu’à monter sur ma mule et à se laisser conduire jusqu’à une
forteresse qui n’est pas très éloignée d’ici, mais que personne d’entre vous n’a
jamais vue. Mais je dois vous prévenir que d’étranges aventures l’y attendront
dont il ne pourra se sortir que par sa grande vaillance. Et je promets de
donner un baiser à celui qui aura assez de chance pour revenir avec le frein
que j’attends. »
Un grand brouhaha traversa l’assemblée. Puis Kaï s’avança
devant le roi, auprès de la jeune fille. « Je réclame l’honneur d’y aller »,
dit-il. Le roi réfléchit un instant. « Puisque tu es le premier à avoir
parlé, Kaï, il est juste de te
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