Les chevaliers du royaume
rapidement. Leurs mouvements désordonnés ne faisaient qu’ajouter à leur supplice. Enfin, après un dernier spasme, ils cessèrent de bouger.
Dans la cour du château, Terrible se cabra et Taqi sortit Crucifère du fourreau. L’épée luisait d’une froide lumière bleue. Ridefort s’étant précipité vers les Templiers, la Sainte Croix était aux mains de l’ennemi. Tughril, lui, s’efforçait de relever la herse.
Les hommes du Yazak se trouvaient pris entre deux feux. Ceux qui étaient coincés entre la herse de la barbacane et celle du château étaient harcelés d’une telle pluie de flèches que le ciel en paraissait solide. Ils s’abritèrent sous leur bouclier, mais leurs montures s’effondrèrent – certains en profitant pour s’y mettre à couvert. D’autres rasèrent les murs, se déplaçant derrière leur écu, et se dirigèrent vers la herse du château afin de joindre leurs efforts à ceux – colossaux et désespérés – de Tughril.
À l’extérieur de la barbacane, la situation n’était pas meilleure.
Les chevaliers du Temple qui avaient remis leurs armes aux hommes du Yazak en avaient récupéré de nouvelles dans des caches aménagées depuis plusieurs jours au pied d’al-Fûla : lances, piques, épées, masses et arcs par dizaines, flèches par centaines, boucliers et gambesons de cuir, au cas où on leur aurait retiré leur armure. Ce que les Sarrasins n’avaient pas fait. Ainsi, la poignée d’hommes de Taqi qui n’avaient pu passer de l’autre côté de la barbacane se trouva prise à revers par une puissante charge de cavalerie et une grêle de flèches, qui en clouèrent plusieurs sur place. Ensuite, les fantassins vinrent finir le travail à la masse, à la pique, à l’épée, frappant d’autant plus vigoureusement que tous avaient perdu, qui un frère, qui un ami, au cours de la bataille de Hattin.
Cependant, les soldats du Yazak ne perdirent pas courage. Cette unité d’élite avait pour habitude de vivre isolée et d’agir sans la protection des troupes de Saladin. Aussi comptait-elle avant tout sur elle-même. Toujours armés et aux aguets, ses hommes s’en remettaient à leur courage et à leur force ; car leur force était une de leurs qualités majeures, et leur bravoure une seconde nature.
Ils cherchèrent à se regrouper autour de leur chef, dont ils apercevaient l’épée, derrière la grille du château. Il paraissait, en outre, que les efforts conjugués de Tughril et de quelques Sarrasins finiraient par payer, puisque la grille se souleva d’une hauteur de plusieurs mains, permettant à un premier soldat du Yazak de se glisser du côté de Taqi.
Cassiopée et Morgennes arrivèrent au moment même où Renaud de Châtillon, Wash el-Rafid et des Maraykhât sortaient de la salle principale pour en découdre avec les hommes du Yazak.
Alors que Kunar Sell faisait des ravages en abattant sa grande hache danoise, Wash el-Rafid ajusta Taqi et pressa la détente de son arbalète. Un sifflement déchira l’air, suivi d’un vol plané de lumière : atteint au bras, Taqi avait lâché Crucifère. L’épée, en s’envolant, avait perdu de son éclat, mais avait brillé suffisamment longtemps pour attirer le regard de Morgennes.
— Par ici ! cria-t-il à Cassiopée, en montrant Crucifère.
— Par là ! répondit-elle en indiquant Taqi, qui pâlissait anormalement vite.
— Le poison des Maraykhât ! s’exclama Morgennes. Il n’y a pas un instant à perdre !
Profitant de la mêlée, du fait que leur tenue les déguisait aux yeux des Templiers, ils se précipitèrent vers Taqi, qui s’affaissa sur sa selle et tomba lourdement à terre. Cassiopée se pencha sur son cousin :
— Il faut le mettre à l’abri ! cria-t-elle à Morgennes.
La mort dans l’âme, renonçant à récupérer Crucifère, Morgennes prit Taqi dans ses bras et l’emmena vers l’entrée des cachots. Quant à Cassiopée, elle regarda la jument blanche de Taqi, assaillie de toutes parts. Le grand cheval galopa en lançant des ruades, renversa les hommes et se cabra devant eux, avant de retomber, le ventre ouvert par un puissant coup de hache :
— Adieu, Terrible, dit Cassiopée. Que Dieu te protège, tu vas en avoir besoin !
Puis elle suivit Morgennes, referma la porte derrière eux et la barra avec son arme, prêtant l’oreille aux bruits du combat.
Sur la vingtaine de soldats du Yazak pris au piège de la barbacane, la moitié avait pu passer dans la
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