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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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trêve ni relâche, harassant leurs montures, ils couvrirent à la vitesse des djinns des distances extraordinaires. Ni vers l’orient ni vers le midi, ils s’en furent vers le nord, conformément aux indications de Taqi.
    — Comprends-tu, dit-il à Morgennes, jamais mon oncle (la paix soit sur lui) n’aurait pris le risque de me confier ce que vous autres, dhimmis, appelez la Vraie Croix. Non qu’entre mes mains elle eût été plus en péril qu’entre celles d’un autre, mais il a pensé qu’il valait mieux la mettre à l’abri de toutes les mains, quelles qu’elles fussent.
    Morgennes lui demanda alors où Saladin avait caché le Saint Bois.
    — Je ne devrais pas te le dire, mais puisque tu m’as sauvé la vie, je vais te répondre : il n’a jamais bougé. D’ailleurs, mon oncle va bientôt revenir le chercher…
    — Que veux-tu dire par là ?
    — Rien d’autre que ce que je viens de dire : il n’a jamais bougé. Et, ainsi que je te l’ai promis, je vais te mener à ce que vous autres appelez la Vraie Croix.
    Morgennes, que la manie de Taqi d’appeler les chrétiens « vous autres » agaçait, lâcha un peu brutalement :
    — Quelle différence fais-tu entre « la Vraie Croix » et ce que « nous autres » appelons la Vraie Croix ?
    — C’est pourtant évident, répondit Taqi. Vous autres, dhimmis, inventez des serrures à des maisons qui n’ont pas de portes et, quand on vient avec une fausse clé, vous vous étonnez de les voir s’ouvrir.
    — Pourrais-tu, je te prie, être plus clair ?
    — C’est simple. La croix tronquée que nous vous avons prise à Hattin était composée de deux parties : le reliquaire et la traverse sur laquelle Jésus a été crucifié. Je suis parti avec le reliquaire, la traverse est restée à Hattin. Il n’était pas difficile ensuite de mettre un bout de bois de sycomore à l’intérieur du reliquaire et d’abuser le peu de Templiers qui restaient, trop heureux d’avoir une bonne excuse pour se rendre. Ce fut un jeu d’enfants. Comme on dit chez nous : « Bien des ruses valent mieux qu’une tribu. » Mais tout cela n’a été rendu possible que parce que le Très Haut l’a voulu, comprends-tu, dhimmi ?
    Morgennes comprenait. Oui, il comprenait parfaitement. Sans trop savoir pourquoi, il ralentit l’allure et dit à Taqi :
    — Arrête de m’appeler dhimmi. Tu sais très bien que j’ai renié ma foi pour embrasser la tienne…
    — Tu sais ce qu’on dit chez moi ? lança Taqi. « La main que tu ne peux pas mordre, embrasse-la. » J’ai beaucoup de respect pour toi, dhimmi, mais ne me demande pas de croire à ta conversion. Tu as peut-être réussi à tromper les miens, tu as peut-être réussi à tromper les tiens, et peut-être es-tu arrivé à te tromper toi-même, mais moi tu ne m’as pas trompé. Je n’ai pas oublié tes paroles, dhimmi : « Dieu ne se rend jamais. » C’est toi qui avais raison. Ton Dieu ne s’est pas rendu : il vous a abandonnés !
    Sur ce, il s’éloigna en compagnie de Cassiopée, laissant Morgennes avec Simon, qui demanda :
    — Qu’a-t-il voulu dire ?
    Morgennes lui jeta un regard glacial :
    — Seulement cela : la Vraie Croix n’a jamais quitté Hattin.
    Simon réprima un frisson, comme s’il revoyait passer devant lui des journées entières consacrées à l’adoration d’un faux Dieu. Quant à Morgennes, il n’avait pas vraiment répondu à sa question. Aussi précisa-t-il :
    — Beau doux sire, pardonnez-moi, mais votre conversion fut-elle sincère ?
    — Je l’ai cru, dit Morgennes. Maintenant, je ne sais plus.
    Simon n’insista pas. Bien lui en prit car Morgennes était d’humeur sombre. À vrai dire, sa conversion à la foi mahométane, quoique sincère – ou plutôt, « assumée », « consentie » – sur le moment, avait quelque chose d’artificiel. Morgennes le sentait bien. Mais comment faire autrement, s’il voulait servir Dieu et accomplir sa mission jusqu’au bout, quitte à se renier lui-même ? Il avait trahi, oui, il s’était damné, certes, mais c’était pour Dieu, pour Dieu uniquement. Dût-il en payer le prix.
    Morgennes se sentait quelque peu perdu, et son trouble ne laissait pas Simon indifférent – pour lui, les hommes se partageaient en courageux ou en veules, mais Morgennes ne semblait appartenir à aucune de ces deux catégories.
    Taqi, par ses paroles, avait remis Morgennes sur sa route. Fini les illusions, l’idée

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