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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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désert. Il s’inscrivait dans leur champ de vision comme le but ultime, celui que vise l’archer quand il décoche sa flèche. D’ailleurs, Morgennes se sentait à la fois trajectoire, arc, flèche et cible, tant il était tendu vers cet unique objectif : retrouver Crucifère, en finir avec ces aventures, pouvoir enfin se reposer.
    Une joie immense s’éleva en lui. « Mon Dieu, pardonnez-moi d’avoir douté ! » Il lui semblait, en effet, que Dieu lui permettait de retrouver à la fois la Vraie Croix, la quiétude et Crucifère.
    Alors que la soif commençait à les tenailler – mais ils n’osaient pas encore boire, pas avant d’être ou perdus ou arrivés –, les contours d’une oasis apparurent. Ils tremblaient dans l’air comme un mirage, menaçant à chaque instant de disparaître. Pourtant, ils restèrent là, stables et fiers, posés dans la lumière déclinante du soir tel un monument de fraîcheur, un endroit à part, hors du temps et de la vie.
    Cette oasis des Moniales, ainsi que Fémie l’avait nommée, était d’après Taqi les restes de Gomorrhe ; d’autres disaient qu’elle n’était rien que l’oasis des Moniales, maintenant réduite à l’essentiel : une immense crevasse bordée de palmiers blancs. À moins qu’il ne s’agît de l’antique Ctésiphon, qu’avaient détruite, peu après la mort de Mahomet, des cavaliers chargés de répandre Sa parole. Elle aurait donc été jadis la capitale de l’ancien Empire parthe, anéantie parce que sa beauté faisait de l’ombre à Babylone. Les Parthes l’avaient fondée plus de sept cents ans auparavant. C’était l’une des plus belles, l’une des plus anciennes cités que l’Histoire eût connue. Tout cela n’était plus. La ville avait été pillée, abandonnée, puis était tombée à l’état de ruine, avant d’être oubliée.
    Jusqu’au jour où Saladin avait appris qu’une reine y avait établi son royaume, et que ce royaume, chrétien, était celui de femmes. Il y avait envoyé une armada d’espions dont un seul était revenu, mais cela lui avait suffi pour apprendre qu’elles y menaient une vie de discipline, qui ressemblait beaucoup à celle des moines soldats du Temple ou de l’Hôpital ; et que les hommes étaient bannis de leur royaume – sauf quand il s’agissait de remplacer l’une d’elles, morte au combat. Des raids étaient alors menés à l’extérieur, afin d’y capturer les plus « athlétiques » des mâles pour les donner en « pâture » aux plus belles d’entre elles.
    Saladin s’était dit que ses espions n’auraient pas à se plaindre, au moins dans un premier temps, du sort qui leur serait réservé par Zénobie, la reine des Amazones. Ensuite, ce serait une autre paire de manches, puisqu’elles n’étaient pas réputées tendres : après avoir copulé, elles arrachaient avec leurs dents les testicules des mâles qui les avaient fécondées et les réduisaient en esclavage ou les envoyaient se perdre dans le désert.
    Après avoir promu l’unique rescapé de ses espions au rang de chef des eunuques, Saladin envoya chez les Amazones le cadi ibn Abi Asroun à la tête d’une ambassade puissamment armée. Le cadi était porteur d’un message avertissant les Amazones que, si elles ne se comportaient pas en tous points comme les gens du Livre – en dhimmis –, et s’obstinaient à refuser d’acquitter l’impôt, le sultan se verrait dans l’obligation d’anéantir leur royaume.
    Zénobie répondit avec une caravane de cinquante chameaux, chargés d’or et de pierres précieuses ; ainsi que la promesse de ne jamais interférer avec les affaires de l’émir, pourvu qu’on la laissât en paix.
    Saladin l’assura de sa bienveillance, lui envoya en retour quelques présents ; et l’on n’en parla plus. Chaque année, des chameaux venaient à l’oasis chercher leur chargement d’or, et repartaient ensuite au Caire. Où ce trésor était ajouté à celui de Saladin, avant de s’en aller – diminué – vers Bagdad.
    Morgennes était si concentré sur la tache verte à l’horizon qu’il fallut toute la force des aboiements de Babouche pour le sortir de sa torpeur. Mais il eut beau appeler, la petite chienne ne voulait rien entendre. Elle filait droit vers le sud, alors que l’oasis était à l’est. D’une pression du genou sur le flanc d’Isabeau, il se lança à sa poursuite et ne tarda pas à la rattraper. Déjà, les contours de l’oasis commençaient

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