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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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comme ça !
    Le vieux patriarche était obligé de trouver un accommodement avec Châtillon. Sans lui, il n’avait pas d’hommes ayant l’expérience de la guerre.
    — Que me proposez-vous ? demanda Renaud.
    — Que souhaitez-vous ?
    — Les reliques noires.
    — Elles sont à vous.
    Châtillon se tourna vers Kunar Sell :
    — Conduis-moi à mon lit, je reste.
    Kunar Sell le saisit sous les bras, et entreprit de le mener à sa chambre. En passant devant Wash el-Rafid, qui se tenait impassible, l’arbalète à la main – et comme attendant un ordre –, Châtillon lui souffla :
    — Mets notre plan à exécution. Je crois que c’est encore ce que nous avons de mieux à faire.
    Wash el-Rafid le gratifia d’une révérence outrancière, et parut voler – plus qu’il ne courut – vers la porte de la salle à manger. Longtemps, ses pas résonnèrent dans l’escalier, qu’il dévala pour gagner la rue et disparaître.
    Les reliques noires n’étaient pas la Vraie Croix, mais aux yeux de Châtillon elles la valaient bien. Aux yeux de Ridefort aussi ; de même qu’à ceux de Wash el-Rafid, pour qui elles étaient sans prix.
    Ces reliques étaient les instruments qui avaient servi à supplicier Jésus le jour de la Crucifixion. Le Fouet et les Roseaux avec lesquels Jésus avait été flagellé, la Couronne d’épines et la Sainte Lance en faisaient partie. D’une certaine façon, la Sainte Croix était la principale – mais celles que Châtillon avait réclamées à Héraclius étaient les deux premières : le Saint Fouet et les Saints Roseaux.
    Ces reliques lui conféreraient un pouvoir incroyable : celui de procéder à leur humiliation. Renaud de Châtillon tremblait d’excitation à l’idée d’interpeller Dieu à travers elles, et de lui dire :
    — Laisseras-Tu Tes pires ennemis T’infliger un mal que je puis T’épargner ? T’obstineras-Tu longtemps à ne pas Te montrer ? Veux-Tu qu’un Dieu impie Te dicte sa loi ? Que Tes églises soient converties en mosquées ? Tes prêtres décapités ? Tes nonnes violées ?
    Peu après le milieu de la nuit, alors que matines venaient de sonner, Héraclius et Bernard de Lydda entrèrent dans le Saint-Sépulcre, portant sur des coussins de soie rouge les reliques noires.
    Un peu plus de deux cents personnes, toutes vêtues de noir, se tenaient dans la nef comme à un enterrement. Des prêtres défroqués, mais aussi de vieilles nonnes folles, des bigotes séniles, des Templiers blancs, quelques soldats, des marchands avides ou ruinés, des curieux, des pervers, des indécis, des qui s’étaient perdus, des prostituées accompagnées de leurs clients, des voleurs d’enfants, des écorcheurs, et tous les mendiants de la ville, les chauves, les tortes, les bègues, les aveugles, et bien entendu les lépreux – tout ce que Jérusalem comptait de fripouilles, de tordus et de malheureux s’était donné rendez-vous au Saint-Sépulcre, répondant à l’invitation d’Héraclius à venir humilier les reliques.
    « C’est trop beau pour être vrai ! » disaient certains, auxquels on n’avait pas imposé le silence, mais au contraire recommandé de parler tout haut. « Je vais enfin pouvoir régler mes comptes », disait en ricanant une vieille, qui soulevait ses jupes pour montrer une absence de jambes, remplacées par des béquilles.
    On assista alors aux cris de : « Apparais ! Sauve-nous ! », au plus affreux des spectacles. Renaud de Châtillon ouvrit la sombre cérémonie. S’avançant à cheval vers l’Omphalos, il s’approcha de l’autel où les reliques étaient posées et, d’un violent coup d’épée, les fit tomber sur les dalles. Puis il les piétina sous les sabots de Sang-dragon et laissa couler sur elles le sang qui gouttait de ses plaies encore à vif, et que Sohrawardi s’obstinait, comme par un fait exprès, à mal soigner. Un chien leva la patte sur les Roseaux et mordilla le Fouet – qu’on dut lui ôter de la gueule afin qu’il en laissât pour les autres. Ensuite ce furent les prostituées, qui se disaient filles de Marie Madeleine et réclamaient comme compensation d’être logées et nourries par la ville. Elles se fourraient les Roseaux et le Fouet dans le con, branlaient le cul de leurs clients avec, et s’en allaient après communier ; Héraclius leur donna l’absolution, sous la forme d’une hostie trempée dans du vin où son fils et Pâques de Rivari avaient craché.
    Enfin, quand le

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