Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
« Jetons-les en enfer », la foule avait substitué – à l’instigation de Châtillon, qui l’avait crié le premier : « Jetons Dieu en enfer ! »
    On avait joué à détester Dieu, et mimant la détestation, on le haïssait pour de vrai.
    Héraclius frissonna, et trembla de plus belle quand il vit que son fils et sa compagne, Pâques de Rivari, suivaient eux aussi le cortège, saisis de convulsions. Mais où étaient passés les coussins de soie rouge ? Héraclius regarda de tous côtés, alors que la foule se déversait dans la rue, et les vit entre les mains de Kunar Sell et de Gérard de Ridefort, qui menaient la sarabande tel le joueur de flûte de Hamelin.
    Héraclius ne voulut pas les abandonner. Avec eux, c’était son rêve qui partait. Il retroussa sa robe et les suivit en courant, d’abord dans la rue de David, puis dans celle du Temple – terminée par les hautes murailles de l’esplanade et le mur des Lamentations.
    Héraclius haletait. Sa graisse l’étouffait. Les clameurs de la foule faisaient trembler les maisons, dont les volets s’ouvraient çà et là sur une silhouette endormie – qui bien vite se retirait dans le noir. C’était une vision d’horreur que cette masse de gens en route pour l’esplanade du Temple, passant au milieu des gravats et des morts.
    Un incident se produisit au croisement de la rue des Germains. Une procession de moines et de moniales de l’église Sainte-Marie-des-Allemands, qui s’en revenaient à genoux d’un chemin de croix effectué pour demander grâce à Dieu, tomba sur la foule en furie. Celle-ci, afin que tout fût accompli, viola les femmes, humilia les hommes, avant de les dépecer et de dévorer leurs membres. Ce fut une apothéose. Il devait y en avoir une seconde, mais à laquelle la foule n’assisterait pas – Châtillon ayant d’autres projets pour elle.
    Voyant les moines se faire déchiqueter, Héraclius n’eut plus de doute : c’était l’Apocalypse !
    Pensant à l’or qu’il avait caché et aux trésors de l’Église, il s’écria en levant un poing tremblant :
    — Puisque vous aimez tant l’enfer, allez voir si j’y suis !
    Abandonnant son fils à son propre destin, il attrapa sa compagne par le bras, et détala aussi vite que ses courtes jambes le lui permettaient en direction de la tour de David. Où il emballerait ses richesses et ferait préparer sa carriole.
    Comme ils approchaient du pont qui menait à la porte Splendide de l’esplanade du Temple, Renaud de Châtillon dit à ses lieutenants :
    — Ne nous encombrons pas de gueux !
    — On pourrait les faire sortir ! suggéra Kunar Sell.
    — Par la porte Saint-Étienne, précisa Ridefort.
    — Excellent ! s’enthousiasma Châtillon en éperonnant sa monture.
    Et de penser : « Ce sera toujours ça de moins à nourrir quand je serai maître de la ville ! »
    Au moment où la foule passait par la porte Saint-Étienne, dont elle avait massacré les gardes, Balian s’inquiéta :
    — Quel est ce raffut ?
    — Des gens menés par Ridefort et Châtillon, qui s’en vont combattre les Sarrasins ! répondit Algabaler.
    — Des soldats ? demanda Balian.
    — Ils ne sont pas armés, expliqua Daltelar. Mais ils ont du sang plein les mains, et certains plein la bouche.
    — Des tafurs, avança Balian.
    Et Daltelar d’ajouter :
    — Doux Jésus !
    Les tafurs étaient les rescapés des premiers croisés, des paysans pour la plupart, qui à Constantinople s’étaient joints aux chefs militaires, et se battaient armés au mieux d’un bâton. Ils se jetaient ensuite sur les cadavres de leurs victimes pour se repaître de leur chair. Beaucoup étaient hirsutes et à demi fous. Les chefs des croisés les envoyaient à l’avant-garde, où ils servaient à faire fuir l’ennemi quand ils ne se faisaient pas tout bonnement massacrer par lui.
    — Mon cheval et un drapeau blanc, lança Balian en s’habillant. Je sors !
    On s’empressa d’obéir à ses ordres. On sella sa monture, on lui remit un drapeau blanc, qui tenait plus du mouchoir sale, et Balian quitta, seul, Jérusalem par la poterne Sainte-Marie-Madeleine. À sa gauche, les pénitents, comme s’éveillant d’un long cauchemar, fuyaient devant les cavaliers mahométans, qui les sabraient sans pitié. L’un d’eux attrapa une prostituée par les cheveux, la décapita et porta sa tête à ses lèvres, pour y déposer un baiser. Quelques jeunes qui en avaient encore la force – et

Weitere Kostenlose Bücher