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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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énergie considérable. Il serra son fils, al-Afdal, contre lui, et respira dans ses cheveux la forte odeur du soir qui s’y trouvait imprégnée. Ses fils étaient toute sa fierté. C’est pour eux qu’il avait érigé son Empire. Il se sentait comme le fier Alexandre d’autrefois, dont l’Empire était plus grand que la main d’Allah – mais plus petit que là où porte Son regard, car Son regard porte à l’infini.
    Morgennes, qui malgré son extrême fatigue n’avait rien perdu de la scène, était ému par la foi de Saladin et la véhémence avec laquelle il galvanisait son peuple. À côté de lui, Guy de Lusignan faisait pâle figure. Ridefort était piteux, et Raymond de Castiglione, le maître de l’Hôpital, laissait à peu près indifférent. Aucun n’avait ce charisme, cette force de conviction, ce don pour montrer à ses troupes la voie à suivre.
    Un désespoir immense gagna l’âme de Morgennes. Il se demandait pourquoi les mamelouks ne l’avaient pas raccompagné à son enclos. Peut-être le spectacle n’était-il pas terminé ? Il chercha des yeux Taqi ad-Din, mais il avait disparu. En revanche, la cour du roi de Jérusalem n’était pas loin. Elle paraissait ne pas se soucier de lui. Soudain, le vieux marquis de Montferrat mit un doigt sur ses lèvres pour lui signifier de se tenir prêt. Discrètement, il lui fit un petit clin d’œil et lui montra la grande croix au sommet de la stèle. Apparemment, Montferrat avait un plan. À moins qu’il ne cherchât à lui dire de garder espoir, que Jésus était là, qui veillait sur lui.
    Morgennes fut tiré de ses réflexions par le concert d’une quarantaine de pigeons qui voletaient au ras du sol. Les oiseaux roucoulaient joyeusement, heureux de partir en mission. Matlaq ibn Fayhân leur avait attaché sous le ventre un rouleau de parchemin, afin d’apprendre la victoire de Saladin à toutes les tribus jusqu’ici défaillantes, à toutes les villes qui ne s’étaient pas encore ralliées à sa cause ; et de les enjoindre de s’unir à lui, ou, à défaut, d’envoyer des armes, de l’argent ou des vivres.
    Le ventre et les ailes des pigeons avaient été teints en bleu ciel. On ne leur avait donné à manger qu’une seule fois dans la journée, au petit matin, un mélange particulier d’orge et de millet dont la tribu des Zakrad avait le secret.
    Des agents du Yazak avaient pénétré, la semaine passée, déguisés en mendiants, en marchands ou en oulémas, au sein de chaque ville, de chaque tribu auxquelles Saladin voulait envoyer un message. Ils avaient apporté avec eux deux petites cages. La première contenant un couple de pigeons : un mâle et une femelle ; la seconde un jeune mâle célibataire. Les couples avaient ensuite été séparés, les mâles regagnant le camp de Saladin avec l’un des agents du Yazak, les femelles étant introduites, sous les yeux de leur compagnon, dans la cage du pigeon célibataire. La nature est ainsi faite que les mâles, jaloux et malheureux, n’avaient qu’une envie : retourner à tire-d’aile vers leur belle.
    Matlaq fit un geste en direction de Saladin, et trois pigeons s’envolèrent vers lui. C’étaient des oiseaux superbes, de grande envergure. Ils se posèrent aux pieds du sultan et se rengorgèrent. Saladin prit l’un de ces pigeons dans ses mains en coupe et s’approcha du roi de Jérusalem :
    — Celui-ci est pour votre femme. Je l’informe du montant de votre rançon… Ainsi, elle saura que vous êtes en vie. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
    Lusignan – tremblant à l’idée que le Yazak se soit approché d’aussi près de sa femme – se contenta de murmurer :
    — Dites-lui de payer, le plus rapidement possible…
    — Inscrivez-le vous-même.
    Deux oulémas lui apportèrent de quoi écrire, et Guy de Lusignan commença la rédaction de son mot. Quand il eut terminé, Saladin fit venir un deuxième oiseau. Cette fois-ci, il s’adressa à Gérard de Ridefort, le maître du Temple :
    — Ce message est pour le patriarche de Jérusalem, Héraclius, dit Saladin en prenant un deuxième pigeon dans ses mains. Malheureusement pour lui, ce sont de bien mauvaises nouvelles : la Vraie Croix est en notre possession ; l’un de ses fils, Rufinus, l’évêque d’Acre, est…
    Saladin eut un regard vers la tête de Rufinus, dans son céphalotaphe, et poursuivit :
    — … dans l’incapacité de prendre à nouveau son père dans ses bras. Quant à

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