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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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vérité, c’est qu’un fragment de croix ne lui suffit plus, et qu’elle veut se l’accaparer tout entière ; comme Constantinople, avant elle, se l’était appropriée, en même temps qu’un millier de reliques !
    — Laissez-moi partir à sa recherche, proposa Morgennes. Beau doux frère, je t’en conjure, c’est pour moi l’occasion de me racheter : c’est même l’objet de mon sacrifice. Nul n’a plus envie que moi de la retrouver, nul n’en a plus besoin, nul n’en est plus capable : n’oublie pas que j’étais l’un de ses gardiens et que je la connais bien.
    — Et tu as failli, dit Beaujeu.
    — Nous avons tous failli, dit Morgennes. Dieu me guidera…
    — Tu es trop orgueilleux, objecta Beaujeu.
    — Laisse-moi partir. Si je la retrouve, l’Hôpital y gagnera en gloire et en prestige. Si j’échoue, personne ne vous en tiendra rigueur. Après tout, je ne suis plus des vôtres.
    Ce dernier argument parut convaincre le frère commandeur, qui s’assit lui aussi sur le lit de Tripoli. Ils étaient à présent tous les quatre, ou bien assis, ou bien allongés sur le lit d’Échive et de Raymond de Tripoli. Tous semblaient épuisés, jusqu’au chien de Tripoli qui poussa un long et profond soupir, enfouit sa tête entre ses pattes et replongea dans le sommeil.
    Beaujeu dit :
    — Pour nous, beau doux Morgennes, tu es comme mort. On te croyait décédé, tu réapparais. On te croyait chrétien, tu te fais infidèle. Tu étais un de nos frères, tu ne l’es plus. Que faire ? Nous ne pouvons tout de même pas te charger d’une mission de cette importance sans fâcher tous nos frères, sans parler du chapitre principal, à Jérusalem.
    — Combien d’autres frères sont à sa recherche ? demanda Morgennes.
    — Une dizaine de frères chevaliers, leurs hommes, leurs écuyers. Près d’une centaine de soldats en tout.
    — Ils n’ont rien trouvé ?
    — Rien, jusqu’à présent. Mais cela fait moins d’une semaine qu’ils sont partis.
    Alexis de Beaujeu se caressa la barbe :
    — Écoute, la caravane doit arriver ce soir. En attendant, pourquoi n’irais-tu pas prendre un bain ?
    Morgennes eut l’impression qu’on lui ôtait un poids énorme de la poitrine. Il se leva et salua Raymond de Tripoli, qui lui serra la main et lui dit :
    — J’ai fait un rêve hier. Un ange m’est apparu, et ce qu’il m’a dit m’a terrifié. Morgennes, Dieu se demande si tu ne l’as pas oublié.
    Morgennes resta silencieux.
    — En vérité, continua Tripoli, la Sainte Croix n’a été perdue que pour être retrouvée par toi. Retrouve la foi, tu retrouveras la croix. Et nous serons sauvés.

15.
    « (…) et l’on se battra frère contre frère, ami contre ami, ville contre ville, royaume contre royaume. »
    (Isaïe, XIX, 2.)
    Emmanuel essaya de s’orienter.
    Cette partie de la région était nouvelle pour lui. Heureusement, Alexis de Beaujeu avait adjoint à sa patrouille un auxiliaire qui y était né. Ce dernier conseillait de continuer plus au sud dans la plaine de la Bocquée, et de se diriger ensuite à l’ouest, vers la mer et les places fortes templières de Chastel Rouge et de Chastel Blanc.
    — C’est la route habituelle quand on vient de Tripoli, disait-il. Si la caravane a longé la côte, elle a dû passer par là…
    — J’espère que non, fit Emmanuel.
    En fait, il n’aimait pas cette idée.
    — C’est peut-être, en temps ordinaire, le plus sûr des chemins, mais je préfère éviter les Templiers. Dieu sait ce qu’ils sont capables de faire, depuis que le pape nous a chargés de retrouver la Vraie Croix…
    — Mais, la caravane…
    D’un geste, il ordonna au guide de se taire, puis, nerveusement, regarda l’étendard de saint Pierre que l’envoyé du pape leur avait laissé, la semaine passée, quand il était venu les voir au krak. La bannière de la papauté flottait fièrement à côté de celle des Hospitaliers, de sable à grande croix d’argent. Emmanuel ne pouvait s’empêcher de penser : « Voilà pour les couleurs, et pour la discrétion. » En effet, ces fanions proclamaient, aussi clairement que si l’on avait joué du tambour et soufflé dans des buccins : « L’Hôpital est en mission pour le pape ! »
    « Enfin, se disait-il, ils nous porteront protection. »
    Et puis : « Dieu a déjà fait son choix. »
    Si cela n’avait tenu qu’à lui, il aurait ordonné le repli : ils avaient assez attendu. Mais les

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