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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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réveillé, annonça-t-il.
    — Tant mieux, dit Beaujeu.
    — Mais il est au plus mal. Il respire à grand-peine, et son corps est si baigné de sueur qu’il a fallu changer les draps. J’ai bien cherché à le soulager en le scarifiant jusqu’à le rendre blanc, mais il ne s’en est pas porté mieux. J’ai fait mettre de l’encens à brûler dans sa chambre pour purifier l’air et donné l’ordre à six de nos frères de se relayer sans cesse à la chapelle afin de prier pour lui. Le pire est à craindre. Ah, et il vous a réclamé.
    — Il veut me voir ?
    — C’est-à-dire qu’il a réclamé Morgennes. Je lui ai dit que vous seul pouviez lui permettre de le voir. Alors il vous a demandé.
    — Allez chercher Morgennes, je vais chez Tripoli.
    Beaujeu partit donc en direction de la petite chambre que le seigneur de Tripoli occupait avec sa femme et les quatre filles qu’elle avait eues d’un premier mariage.
    Tripoli était allongé dans son lit, sa femme – la comtesse Échive – debout à ses côtés, les mains croisées sur sa robe à franges brodées d’or. Ils étaient venus de Tyr plusieurs semaines auparavant, avec nombre de leurs gens, qui se préparaient à la guerre. Car le combat n’était pas fini : sous le commandement de Conrad de Montferrat, le fils du vieux marquis Guillaume de Montferrat, Tyr redressait la tête et défiait Saladin.
    — Comtesse, salua Beaujeu en entrant dans la pièce, l’une des mieux décorées du château.
    Sans être confortable, on avait essayé d’y mettre de quoi la rendre agréable à un couple habitué au confort et aux richesses. Du reste, Échive et Raymond de Tripoli, contrairement à tant d’autres barons et comtes de Terre sainte, se souciaient assez peu du luxe. Le sol était couvert d’un tapis de jonc et de lourdes tapisseries pendaient au mur. Dans un coin, un chien dormait sur une paillasse. Parfois, dans son sommeil, il gémissait et se grattait avec vigueur.
    Raymond de Tripoli était si pâle que ses cheveux blancs semblaient gris. Son regard était celui d’un homme épuisé et brillait d’une lumière humide, reflet de son état fébrile.
    — Frère commandeur…, commença-t-il d’une voix éteinte.
    Mais Beaujeu lui fit signe qu’il n’était pas utile de parler, il savait :
    — Économisez vos forces, seigneur comte. Je sais que vous voulez voir le frère chevalier Morgennes, et je l’ai fait quérir pour vous.
    Effectivement, peu de temps après, deux gardes amenèrent Morgennes, puis se retirèrent sans un mot. Morgennes salua la comtesse Échive, s’approcha de Raymond et lui prit la main.
    — Seigneur, lui dit-il, beau seigneur, dans quel état vous trouvez-vous…
    — La mort n’est pas loin, dit Raymond de Tripoli. Toute vigueur m’abandonne, et ma seule joie est d’avoir Échive et mes filles auprès de moi.
    Il ferma les yeux.
    La comtesse vint s’asseoir de l’autre côté du lit, et prit la main de son mari.
    — Morgennes, demanda Raymond, qu’avez-vous fait de Crucifère ?
    — Un neveu de Saladin me l’a prise, répondit Morgennes.
    — Il faut la retrouver. Sans elle…
    — Je sais, dit Morgennes. Sans elle, je suis perdu, mais ne le suis-je pas déjà ?
    — Cette épée est notre meilleur guide. Rappelez-vous, au Caire, comme elle a bien servi. Vous étiez jeune alors, le bon roi Amaury était encore en vie, et s’épuisait à vouloir conquérir l’Égypte… Mais vous étiez là, fidèle déjà, et aviez accepté de partir en quête de cette épée que Guillaume de Tyr avait localisée…
    À l’évocation de ces souvenirs, Morgennes revit des images de bâtiments en flammes et sentit même le souffle d’un puissant incendie passer sur son visage, à l’endroit d’anciennes blessures.
    — Beaujeu, continua Tripoli, c’en est fini de tous nos rêves. Nos territoires en Terre sainte reculent comme le jour face à la nuit. Mon nom ne vaut pas mieux que celui d’un Guy de Lusignan, puisqu’on m’accuse d’avoir trahi et de m’être acoquiné avec Saladin. Pourtant, si je me suis entendu avec lui, c’était – foi jurée ! – pour parler de paix. Non pour livrer le royaume où Notre Seigneur Christ a tant souffert. Quant au nom de frère Morgennes, ce héros dont il faudra bien un jour chanter la légende, il sonne désormais pour bon nombre de chrétiens comme les noms infâmes de Gérard de Ridefort ou de Renaud de Châtillon.
    Tripoli s’essoufflait. Il eut un

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