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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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il
s'agit. L'objet propre de mes Confessions est de faire connaître
exactement mon intérieur dans toutes les situations de ma vie.
C'est l'histoire de mon âme que j'ai promise: et pour l'écrire
fidèlement je n'ai pas besoin d'autres mémoires; il me suffit,
comme j'ai fait jusqu'ici, de rentrer au dedans de moi.
    Il y a cependant, et très heureusement, un intervalle de six à
sept ans dont j'ai des renseignements sûrs dans un recueil
transcrit de lettres dont les originaux sont dans les mains de M.
du Peyrou. Ce recueil, qui finit en 1760, comprend tout le temps de
mon séjour à l'Ermitage, et de ma grande brouillerie avec mes
soi-disant amis: époque mémorable dans ma vie, et qui fut la source
de tous mes autres malheurs. A l'égard des lettres originales plus
récentes qui peuvent me rester, et qui sont en très petit nombre,
au lieu de les transcrire à la suite du recueil, trop volumineux
pour que je puisse espérer de les soustraire à la vigilance de mes
Argus, je les transcrirai dans cet écrit même, lorsqu'elles me
paraîtront fournir quelque éclaircissement, soit à mon avantage,
soit à ma charge: car je n'ai pas peur que le lecteur oublie jamais
que je fais mes confessions pour croire que je fais mon apologie;
mais il ne doit pas s'attendre non plus que je taise la vérité
lorsqu'elle parle en ma faveur.
    Au reste, cette seconde partie n'a que cette même vérité de
commune avec la première, ni d'avantage sur elle que par
l'importance des choses. A cela près, elle ne peut que lui être
inférieure en tout. J'écrivais la première avec plaisir, avec
complaisance, à mon aise, à Wooton ou dans le château de Trye; tous
les souvenirs que j'avais à me rappeler étaient autant de nouvelles
jouissances. J'y revenais sans cesse avec un nouveau plaisir, et je
pouvais tourner mes descriptions sans gêne jusqu'à ce que j'en
fusse content. Aujourd'hui ma mémoire et ma tête affaiblies me
rendent presque incapable de tout travail; je ne m'occupe de
celui-ci que par force, et le cœur serré de détresse. Il ne m'offre
que malheurs, trahisons, perfidies, que souvenirs attristants et
déchirants. Je voudrais pour tout au monde pouvoir ensevelir dans
la nuit des temps ce que j'ai à dire; et, forcé de parler malgré
moi, je suis réduit encore à me cacher, à ruser, à tâcher de donner
le change, à m'avilir aux choses pour lesquelles j'étais le moins
né. Les planchers sous lesquels je suis ont des yeux, les murs qui
m'entourent ont des oreilles: environné d'espions et de
surveillants malveillants et vigilants, inquiet et distrait, je
jette à la hâte sur le papier quelques mots interrompus qu'à peine
j'ai le temps de relire, encore moins de corriger. Je sais que,
malgré les barrières immenses qu'on entasse sans cesse autour de
moi, l'on craint toujours que la vérité ne s'échappe par quelque
fissure. Comment m'y prendre pour la faire percer? Je le tente avec
peu d'espoir de succès. Qu'on juge si c'est là de quoi faire des
tableaux agréables et leur donner un coloris bien attrayant.
J'avertis donc ceux qui voudront commencer cette lecture, que rien,
en la poursuivant, ne peut les garantir de l'ennui, si ce n'est le
désir d'achever de connaître un homme, et l'amour sincère de la
justice et de la vérité.
    Je me suis laissé, dans ma première partie, partant à regret
pour Paris, déposant mon cœur aux Charmettes, y fondant mon dernier
château en Espagne, projetant d'y rapporter un jour aux pieds de
maman, rendue à elle-même, les trésors que j'aurais acquis, et
comptant sur mon système de musique comme sur une fortune
assurée.
    Je m'arrêtai quelque temps à Lyon pour y voir mes connaissances,
pour m'y procurer quelques recommandations pour Paris, et pour
vendre mes livres de géométrie, que j'avais apportés avec moi. Tout
le monde m'y fit accueil. Monsieur et madame de Mably marquèrent du
plaisir à me revoir, et me donnèrent à dîner plusieurs fois. Je fis
chez eux connaissance avec l'abbé de Mably, comme je l'avais déjà
faite avec l'abbé de Condillac, qui tous deux étaient venus voir
leur frère. L'abbé de Mably me donna des lettres pour Paris, entre
autres une pour M. de Fontenelle et une autre pour le comte de
Caylus. L'un et l'autre me furent des connaissances très agréables,
surtout le premier, qui, jusqu'à sa mort, n'a point cessé de me
marquer de l'amitié, et de me donner dans nos tête-à-tête des
conseils dont j'aurais dû mieux profiter.
    Je revis

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