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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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madame de
Luxembourg, vint me voir plusieurs fois: nous fîmes connaissance;
il me pressa d'aller au château: je n'en fis rien. Enfin, une
après-midi que je ne songeais à rien moins, je vis arriver M. le
maréchal de Luxembourg, suivi de cinq ou six personnes. Pour lors
il n'y eut plus moyen de m'en dédire; et je ne pus éviter, sous
peine d'être un arrogant et un malappris, de lui rendre sa visite,
et d'aller faire ma cour à madame la maréchale, de la part de
laquelle il m'avait comblé des choses les plus obligeantes. Ainsi
commencèrent, sous de funestes auspices, des liaisons dont je ne
pus plus longtemps me défendre, mais qu'un pressentiment trop bien
fondé me fit redouter jusqu'à ce que j'y fusse engagé.
    Je craignais excessivement madame de Luxembourg. Je savais
qu'elle était aimable. Je l'avais vue plusieurs fois au spectacle,
et chez madame Dupin, il y avait dix ou douze ans, lorsqu'elle
était duchesse de Boufflers, et qu'elle brillait encore de sa
première beauté. Mais elle passait pour méchante; et, dans une
aussi grande dame, cette réputation me faisait trembler. A peine
l'eus-je vue, que je fus subjugué. Je la trouvai charmante, de ce
charme à l'épreuve du temps, le plus fait pour agir sur mon cœur.
Je m'attendais à lui trouver un entretien mordant et plein
d'épigrammes. Ce n'était point cela, c'était beaucoup mieux. La
conversation de madame de Luxembourg ne pétille pas d'esprit; ce ne
sont pas des saillies, et ce n'est pas même proprement de la
finesse: mais c'est une délicatesse exquise, qui ne frappe jamais,
et qui plaît toujours. Ses flatteries sont d'autant plus enivrantes
qu'elles sont plus simples; on dirait qu'elles lui échappent sans
qu'elle y pense, et que c'est son cœur qui s'épanche, uniquement
parce qu'il est trop rempli. Je crus m'apercevoir, dès la première
visite, que, malgré mon air gauche et mes lourdes phrases, je ne
lui déplaisais pas. Toutes les femmes de la cour savent vous
persuader cela quand elles le veulent, vrai ou non; mais toutes ne
savent pas, comme madame de Luxembourg, vous rendre cette
persuasion si douce qu'on ne s'avise plus d'en vouloir douter. Dès
le premier jour, ma confiance en elle eût été aussi entière qu'elle
ne tarda pas à le devenir, si madame la duchesse de Montmorency, sa
belle-fille, jeune folle, assez maligne, et je pense, un peu
tracassière, ne se fût avisée de m'entreprendre, et, tout au
travers de force éloges de sa maman et de feintes agaceries pour
son propre compte, ne m'eût mis en doute si je n'étais pas
persiflé.
    Je me serais peut-être difficilement rassuré sur cette crainte
auprès des deux dames, si les extrêmes bontés de M. le maréchal ne
m'eussent confirmé que les leurs étaient sérieuses. Rien de plus
surprenant, vu mon caractère timide, que la promptitude avec
laquelle je le pris au mot sur le pied d'égalité où il voulut se
mettre avec moi, si ce n'est peut-être celle avec laquelle il me
prit au mot lui-même sur l'indépendance absolue avec laquelle je
voulais vivre. Persuadés l'un et l'autre que j'avais raison d'être
content de mon état et de n'en vouloir pas changer, ni lui ni
madame de Luxembourg n'ont paru vouloir s'occuper un instant de ma
bourse ou de ma fortune: quoique je ne pusse douter du tendre
intérêt qu'ils prenaient à moi tous les deux, jamais ils ne m'ont
proposé de place et ne m'ont offert leur crédit, si ce n'est une
seule fois, que madame de Luxembourg parut désirer que je voulusse
entrer à l'Académie française. J'alléguai ma religion: elle me dit
que ce n'était pas un obstacle, ou qu'elle s'engageait à le lever.
Je répondis que, quelque honneur que ce fût pour moi d'être membre
d'un corps si illustre, ayant refusé à M. de Tressan, et en quelque
sorte au roi de Pologne, d'entrer dans l'Académie de Nanci, je ne
pouvais plus honnêtement entrer dans aucune. Madame de Luxembourg
n'insista pas, et il n'en fut plus reparlé. Cette simplicité de
commerce avec de si grands seigneurs, et qui pouvaient tout en ma
faveur, M. de Luxembourg étant et méritant bien d'être l'ami
particulier du roi, contraste bien singulièrement avec les
continuels soucis, non moins importuns qu'officieux, des amis
protecteurs que je venais de quitter, et qui cherchaient moins à me
servir qu'à m'avilir.
    Quand M. le maréchal m'était venu voir à Mont-Louis, je l'avais
reçu avec peine, lui et sa suite, dans mon unique chambre, non
parce que je fus obligé de le

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