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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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un seul mot. Je suivais par derrière, pleurant comme
un enfant, et mourant d'envie de baiser les pas de ce bon maréchal.
Mais la suite de cette histoire de copie m'a fait anticiper ici sur
les temps. Reprenons-les dans leur ordre, autant que ma mémoire me
le permettra.
    Sitôt que la petite maison de Mont-Louis fut prête, je la fis
meubler proprement, simplement, et retournai m'y établir, ne
pouvant renoncer à cette loi que je m'étais faite, en quittant
l'Ermitage, d'avoir toujours mon logement à moi: mais je ne pus me
résoudre non plus à quitter mon appartement du petit château. J'en
gardai la clef; et tenant beaucoup aux jolis déjeuners du
péristyle, j'allais souvent y coucher, et j'y passais quelquefois
deux ou trois jours, comme à une maison de campagne. J'étais
peut-être alors le particulier de l'Europe le mieux et le plus
agréablement logé. Mon hôte, M. Mathas, qui était le meilleur homme
du monde, m'avait absolument laissé la direction des réparations de
Mont-Louis, et voulut que je disposasse de ses ouvriers, sans même
qu'il s'en mêlât. Je trouvai donc le moyen de me faire d'une seule
chambre au premier un appartement complet, composé d'une chambre,
d'une antichambre et d'une garde-robe. Au rez-de-chaussée étaient
la cuisine et la chambre de Thérèse. Le donjon me servait de
cabinet, au moyen d'une bonne cloison vitrée et d'une cheminée
qu'on y fit faire. Je m'amusai, quand j'y fus, à orner la terrasse,
qu'ombrageaient déjà deux rangs de jeunes tilleuls; j'y en fis
ajouter deux, pour faire un cabinet de verdure; j'y fis poser une
table et des bancs de pierre; je l'entourai de lilas, de seringat,
de chèvrefeuille; j'y fis faire une belle plate-bande de fleurs,
parallèle aux deux rangs d'arbres; et cette terrasse plus élevée
que celle du château, dont la vue était du moins aussi belle, et
sur laquelle j'avais apprivoisé des multitudes d'oiseaux, me
servait de salle de compagnie pour recevoir monsieur et madame de
Luxembourg, M. le duc de Villeroy, M. le prince de Tingry, M. le
marquis d'Armentières, madame la duchesse de Montmorency, madame la
duchesse de Boufflers, madame la comtesse de Valentinois, madame la
comtesse de Boufflers, et d'autres personnes de ce rang, qui, du
château, ne dédaignaient pas de faire, par une montée très
fatigante, le pèlerinage de Mont-Louis. Je devais à la faveur de
monsieur et madame de Luxembourg toutes ces visites; je le sentais,
et mon cœur leur en faisait bien l'hommage. C'est dans un de ces
transports d'attendrissement que je dis une fois à M. de Luxembourg
en l'embrassant: Ah! monsieur le maréchal, je haïssais les grands
avant que de vous connaître, et je les hais davantage encore depuis
que vous me faites si bien sentir combien il leur serait aisé de se
faire adorer.
    Au reste, j'interpelle tous ceux qui m'ont vu durant cette
époque, s'ils se sont jamais aperçus que cet éclat m'ait un instant
ébloui, que la vapeur de cet encens m'ait porté à la tête; s'ils
m'ont vu moins uni dans mon maintien, moins simple dans mes
manières, moins liant avec le peuple, moins familier avec mes
voisins, moins prompt à rendre service à tout le monde quand je
l'ai pu, sans me rebuter jamais des importunités sans nombre, et
souvent déraisonnables, dont j'étais sans cesse accablé. Si mon
cœur m'attirait au château de Montmorency par mon sincère
attachement pour les maîtres, il me ramenait de même à mon
voisinage, goûter les douceurs de cette vie égale et simple, hors
de laquelle il n'est point de bonheur pour moi. Thérèse avait fait
amitié avec la fille d'un maçon, mon voisin, nommé Pilleu: je la
fis de même avec le père; et après avoir le matin dîné au château,
non sans gêne, mais pour complaire à madame la maréchale, avec quel
empressement je revenais le soir souper avec le bonhomme Pilleu et
sa famille, tantôt chez lui, tantôt chez moi!
    Outre ces deux logements, j'en eus bientôt un troisième à
l'hôtel de Luxembourg, dont les maîtres me pressèrent si fort
d'aller les y voir quelquefois, que j'y consentis, malgré mon
aversion pour Paris, où je n'avais été, depuis ma retraite à
l'Ermitage, que les deux seules fois dont j'ai parlé: encore n'y
allais-je que les jours convenus, uniquement pour souper, et m'en
retourner le lendemain matin. J'entrais et sortais par le jardin
qui donnait sur le boulevard; de sorte que je pouvais dire, avec la
plus exacte vérité, que je n'avais pas mis le pied sur

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