Les Conjurés De Pierre
peintre est un grand artiste qui excelle dans son art.
— Il s’appelle Alto von Brabant, il est bossu.
— Je suis au courant. J’ai mis du temps à le retrouver. Il avait descendu le Danube à la recherche de commandes.
— Qu’attendiez-vous de lui, é minence ?
L’évêque dodelina de la tête.
— Ce n’était pas le peintre qui m’intéressait en premier lieu mais le modèle qui me fascinait. J’ai donc chargé deux de mes meilleurs espions de mener l’enquête coûte que coûte pour découvrir le lieu où vivait la belle Cécile. À l’abbaye, on leur a donné le nom du modèle : Afra. On leur a dit aussi qu’elle était partie pour Ratisbonne ou Augsbourg avec un peintre originaire du Brabant. Ils ont retrouvé le peintre Alto à Ratisbonne. Celui-ci s’est refusé à leur dire où vous étiez. Compte tenu de la grosse somme d’argent que mes hommes lui ont proposée, le peintre s’est ravisé et les a informés qu’il vous avait envoyée chez son beau-frère à Ulm. Mes gens vous ont suivi à Ulm…
— Vous voulez dire que vos hommes m’ont espionnée à Ulm ?
Wilhelm von Diest confirma d’un hochement de tête.
— À cette époque-là, je ne savais encore rien de vous. Tandis que maintenant, je sais tout…
— Tout ! ? reprit Afra avec une pointe d’ironie dans la voix.
— Interrogez-moi. Mais auparavant, je vais vous raconter comment j’ai tout appris. Mes espions travaillaient sur le chantier, ils suivaient tous vos faits et gestes de si près qu’ils étaient au courant de votre relation avec maître Ulrich et de bien d’autres choses encore…
— Cela suffit. Je ne veux plus rien entendre.
Afra était malheureuse. Une fois de plus, son passé venait de la rattraper. L’évêque la tenait entre ses mains. Alors que faire maintenant ?
— Vous avez été très habile ! observa Afra avec un certain cynisme.
L’évêque prit la remarque pour un compliment.
— à partir de ce moment-là, il ne me restait plus qu’à attirer maître Ulrich à Strasbourg si je voulais vous approcher.
— Alors cette lettre à maître Ulrich, vous l’avez écrite à cause de moi ?
— Oui, je dois l’avouer. Mais mon honneur est sauf car à cette époque, le poste d’architecte était vacant.
En écoutant Wilhelm von Diest, Afra ne savait plus à quel saint se vouer. D’un côté, elle voyait toute la duplicité de l’évêque qui n’agissait que dans son intérêt, ne reculant devant rien pour atteindre son but et, de l’autre, elle se sentait flattée de voir les moyens qu’il avait mis en œuvre pour la retrouver. Elle se sentait enhardie et prenait toute la mesure du pouvoir qu’elle pouvait exercer.
— Et maintenant, que comptez-vous faire ? demanda-t-elle subitement.
— Vous allez mettre votre divin corps à ma disposition, répondit l’évêque. Je vous en prie.
Wilhelm von Diest offrait une figure assez comique avec ses bas rouges et son surplis. Si la situation n’avait pas été si grave, Afra eut éclaté de rire. Mais elle répondit : et si je me refuse ?
— Vous êtes bien trop intelligente pour agir ainsi !
— En êtes-vous si sûr ?
— Sûr et certain. Vous n’avez pas l’intention de mettre en péril votre vie et celle de l’architecte.
Afra regarda l’évêque en écarquillant les yeux. C’était le diable en personne qui lui parlait. Elle devait garder son sang-froid.
Tandis qu’elle réfléchissait à ce que l’évêque pouvait encore savoir, il lui fit une remarque en passant :
— Maître Ulrich a été inculpé par contumace d’avoir empoisonné sa femme Griseldis.
— C’est un mensonge, un mensonge infâme ! La femme de maître Ulrich souffrait depuis des années d’une mystérieuse maladie. C’est une vilenie que de le rendre responsable de sa mort.
— Peut-être, répliqua l’évêque. Le fait est néanmoins que des témoins ont affirmé sous serment que l’architecte s’était fourni en poison chez l’alchimiste. Le lendemain, sa femme reposait dans la paix du Christ.
— Calomnie ! s’écria Afra hors d’elle. L’alchimiste Rubaldus peut témoigner que nous lui avons rendu visite dans un tout autre dessein.
— Il est dans l’incapacité de le faire.
— Pourquoi donc ?
— On a retrouvé son cadavre à Augsbourg au pied de la porte Saint-Jacques, le lendemain du jour où il avait rendu visite à l’évêque.
— Rubaldus mort ? Vous n’êtes pas
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