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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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nonne qui dirigeait l’attelage fit claquer son fouet pour encourager les bêtes avant la montée.
    Une fois arrivées dans la cour intérieure de l’abbaye, les nonnes descendirent et disparurent l’une après l’autre à droite de l’entrée, dans un long bâtiment à deux étages flanqué d’étroites fenêtres. La vieille resta avec Afra, tandis qu’une autre menait l’attelage à l’étable dans la grande cour rassemblant ce qui était nécessaire à la vie de la communauté : granges à foin et remises à provisions, stalles pour les animaux, abris pour les charrettes et les outils.
    L’abbatiale, à gauche, surplombait les autres bâtiments. Dépourvue de clocher, elle comportait deux clochetons conformément à la règle de l’ o rdre. Construite dans le style ancien, l’église ventrue était en cours de transformation. Les murs extérieurs disparaissaient sous des échafaudages de planches et de poteaux fixés les uns aux autres par des cordes. Les ouvriers qui travaillaient sur la toiture accédaient d’un étage à l’autre par de petites échelles en bois grossièrement taillées. Les pièces de charpente se dressaient dans le ciel comme un squelette de baleine.
    Lorsque le travail s’interrompait à la tombée du jour, les ouvriers regagnaient un bivouac à l’ouest des remparts, car il était interdit à tout homme de passer la nuit à l’intérieur de l’abbaye.
    Afra tressaillit en entendant le sinistre grincement de la lourde porte, comme si la main d’un spectre l’avait refermée derrière elle.
    — Tu dois être fatiguée, lui dit la vieille nonne, que le bruit de la porte ne surprenait guère plus que le carillon du Sanctus. Il faut en premier lieu que tu ailles te présenter à la mère supérieure pour lui demander l’autorisation de séjourner ici. C’est la règle. Allez, viens !
    Afra suivit docilement la nonne dans le long bâtiment. Elle déposa son balluchon à l’entrée.
    Elles montèrent un étroit petit escalier en colimaçon et parvinrent dans un immense couloir au plafond en ogive et au sol couvert de dalles irrégulières en pierre. Les petites fenêtres, obturées par des vitrages en culs-de-bouteille, laissaient si peu pénétrer la lumière que déjà, à cette heure, il fallait se diriger presque à tâtons dans l’obscurité.
    Au bout du couloir, une nonne toute vêtue de blanc avec un scapulaire noir sortit de l’ombre. Elle fit signe à Afra de la suivre. La vieille repartit sans dire un mot en sens inverse.
    Elles empruntèrent un deuxième escalier semblable au premier pour accéder à l’étage supérieur, puis entrèrent dans une salle aux murs nus ayant pour tout mobilier six chaises alignées par trois contre le mur. Afra aperçut une porte surmontée d’une fresque représentant une image sainte.
    La règle interdisant la possession de biens personnels et l’utilisation de tout espace à des fins privatives à l’intérieur d’une abbaye, la nonne ne se donna pas la peine de frapper à la porte. Elle entra en disant juste du bout des lèvres : Laudetur Jesus Christus .
    Aux proportions de la pièce et aux parchemins entassés sur les étagères, on devinait immédiatement qu’il s’agissait du bureau de la mère abbesse.
    La supérieure quitta la table rustique en bois sur laquelle brûlait une torche de résine répandant une forte odeur. Elle avait été apparemment déjà avertie depuis longtemps de l’arrivée d’Afra. L’autre nonne se retira silencieusement en abandonnant Afra à sa timidité. Elle se sentait nue, sans défense dans ses habits déchirés. Elle était terriblement impressionnée par l’allure imposante de l’abbesse.
    Afra fut saisie par le teint cireux de son visage et la maigreur squelettique de son corps.
    On eût dit que les muscles et les veines de son cou décharné formaient un écheveau de ficelles au-dessus de son scapulaire. Quelques cheveux gris s’échappaient de sa coiffe.
    N’étaient ses yeux creux pétillants de vie, on l’aurait prise pour une morte sortie du tombeau. On n’avait guère envie de la regarder.
    — D’après ce qu’on m’a rapporté, la vie ne t’a pas épargnée, dit l’abbesse d’une voix douce qui contrastait avec son apparence. Puis elle s’approcha d’Afra.
    Afra acquiesça d’un signe de tête, sans lever les yeux.
    Elle cherchait le moyen d’éviter que l’abbesse squelettique presque transparente ne la touche. Dieu merci, elle resta debout à deux

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