Les Conjurés De Pierre
avait des cheveux blonds et drus dressés en brosse sur sa tête comme des chaumes. Quel âge pouvait-il avoir ? Il ne le savait pas lui-même. Mais au vu des pattes d’oie qu’il avait au coin des yeux, il ne devait plus être tout jeune.
— Oui ! renchérit l’autre, le dénommé Gottfried qui contrairement à Lambert était plutôt jeune et peu bavard.
Il avait bien une tête de plus que Lambert. Avec ses épaules larges, ses cheveux lisses mi-longs, sa barbe et sa robuste allure, il ressemblait plus à un citadin qu’à un valet.
Afra hocha la tête sans dire un mot. Elle ignorait ce qu’elle allait faire. Elle avait du mal à réprimer le flot de larmes qu’elle sentait monter en elle.
Durant quelques jours, elle avait mené une vie régulière, rythmée par le travail, le sommeil et les repas. Ces gens s’étaient montrés bons envers elle.
Et maintenant ?
Le lendemain, aux premières heures du jour, Afra se mit en route avec les deux valets. Gottfried avait l’intention de se rendre dans la vallée où il connaissait un fermier qui avait une grosse ferme sur une colline, un homme toujours grincheux, pas généreux pour deux sous et aussi vaniteux qu’un paon dans une basse-cour, ce qui lui avait valu du reste le surnom de Paul le Paon.
Quand il apportait son grain au moulin, il avait plusieurs fois proposé à Gottfried de lui donner de l’ouvrage si celui-ci voulait changer de patron.
Ils parlèrent peu en chemin. Ce n’est qu’au bout de plusieurs heures que Lambert se mit à raconter sa vie par le menu et des tas de choses sorties tout droit de son imagination, sans réussir vraiment à capter l’attention d’Afra et de Gottfried, qui étaient beaucoup trop affectés par la nouvelle infortune que leur infligeait le destin.
Soudain, Lambert interrompit son flot de paroles pour poser une question à Afra :
— Comment se fait-il que tu erres dans la contrée toute seule ? On dirait que tu fuis. C’est assez rare, et surtout risqué pour une fille de ton âge.
— C’est en tout cas beaucoup moins dangereux que la vie que j’ai menée auparavant, répondit Afra sur un ton presque badin. Gottfried la regarda surpris.
— Tu ne nous as jamais rien raconté de ta vie.
— En quoi cela vous regarde-t-il ? répliqua-t-elle en levant la main pour prévenir toute autre question.
Lambert resta interdit, puis il sombra dans un profond mutisme. Ils avaient parcouru plus d’une lieue en file indienne lorsque, subitement, Lambert, qui marchait en tête sur le chemin accidenté, se figea sur place. Une troupe de gens dans le fond du vallon semblait se diriger vers eux.
Gottfried s’accroupit et fit signe aux autres d’en faire autant.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Afra tout bas, comme si le son de sa voix pouvait attirer leur attention.
— Je ne sais pas, répondit Gottfried, mais si c’est une de ces hordes de manants qui maraudent à travers le pays et pillent tout sur leur passage, il ne nous reste plus qu’à nous en remettre à la grâce de Dieu !
Afra eut peur. On racontait de terribles histoires sur ces bandes de marauds qui allaient par centaines, qui ne possédaient rien, ne travaillaient pas, vivant de mendicité ou, plus exactement, de rapines.
Au gré de leurs besoins, ils dépouillaient de leurs vêtements les gens qu’ils croisaient, volaient les bêtes des bergers et n’hésitaient pas à tuer ceux qui leur refusaient un morceau de pain.
La meute approchait en vociférant. Ils étaient à peu près deux cents, vêtus de haillons, armés de longues fourches et de gourdins, traînant et poussant une charrette avec une cage.
— Nous devons nous séparer, dit Gottfried vivement. Le mieux serait que chacun parte dans une direction différente. C’est le meilleur moyen de leur échapper.
Les marauds venaient justement de les apercevoir. Ils accouraient vers eux en poussant des cris sauvages.
Afra se redressa et partit en courant à toutes jambes, son balluchon toujours serré contre sa poitrine.
Elle voulait atteindre la forêt là-haut sur la colline, à sa gauche. Gottfried et Lambert partirent dans la direction opposée.
Le chemin grimpait à flanc de coteau, Afra manquait de souffle. Elle entendait dans son dos toujours plus distincts les hurlements obscènes des marauds. Elle n’osait pas se retourner, il lui fallait gagner au plus vite la lisière de la forêt pour ne pas tomber aux mains de l’horrible meute.
Elle comprit le
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