Les Conjurés De Pierre
oreilles malveillantes n’épient leur conversation. Ils se dirigèrent vers les rives du Rhin en aval.
— Comment sais-tu cela ? redemanda Ulrich.
Afra sourit timidement.
— C’est une longue histoire, fit-elle en regardant les eaux tranquilles du fleuve.
Elle lui raconta ses pérégrinations de Salzbourg à Venise, comment elle avait échappé à la peste et comment elle avait poursuivi son voyage sous une fausse identité, puis elle lui expliqua ce qu’elle avait appris sur les apostats, d’abord lors de son séjour à Venise puis au Mont-Cassin. Beaucoup de choses semblaient si invraisemblables qu’Ulrich s’arrêtait parfois pour regarder Afra dans les yeux, comme s’il voulait s’assurer qu’elle lui disait bien la vérité.
— Et où se trouve le parchemin maintenant ? s’enquit-il lorsque Afra eut terminé son récit.
Afra n’avait toujours pas totalement retrouvé sa confiance en Ulrich, elle répondit sans le regarder :
— En lieu sûr. Et sans qu’Ulrich puisse s’en apercevoir, elle effleura son corsage. Puis elle poursuivit : J’ai longtemps cru que tu faisais toi-même partie de la loge des apostats et que tu portais cette marque sur le bras.
Ulric h s’immobilisa brusquement. On pouvait lire sur son visage l’effet que venait de produire cette déclaration. Il retroussa sa manche droite et lui dit tout bas :
— Mais alors, tu as cru que mon amour pour toi, que la passion que tu m’inspirais n’était qu’une feinte pour m’emparer de cet argent malhonnête ?
Afra ne répondit pas. Elle se détourna honteuse mais Ulrich lui tendit le bras. Elle eut alors le courage d’affronter son regard dans lequel elle découvrit des larmes.
— Je me trouve lamentable, balbutia-t-elle, j’aurais aimé que nous ayons une autre vie. Ce maudit parchemin a fait de moi un être différent. Il a tout détruit.
— Ne dis pas de bêtises. Tu n’as pas changé. Tu es toujours aussi désirable qu’autrefois.
Les mots d’Ulrich lui apportèrent le réconfort dont elle avait tant besoin dans ce moment de grande lassitude. Elle ne se sentait néanmoins pas encore en mesure de l’embrasser alors qu’elle le souhaitait ardemment.
Totalement accaparée par les idées qui lui passaient par la tête et les remords qui la rongeaient, elle se sentait incapable de faire le premier pas. Ulrich l’arracha à ses sombres pensées.
— As-tu réussi à comprendre les raisons de cet intérêt pour le parchemin ? De quoi s’agit-il en fait ? Je n’ai pas poursuivi mes investigations de peur qu’on me soupçonne ou te soupçonne ?
Afra s’apprêtait à lui rapporter ce qui s’était passé la nuit précédente quand Ulrich lui coupa la parole et saisit son bras.
— Là, l’homme en manteau noir ! Il fit un geste en direction du doyenné. Il se peut que je fabule, mais depuis mon arrivée à Constance, j’ai tout le temps l’impression d’être suivi par un personnage vêtu de noir.
Afra observa discrètement l’homme sans le quitter des yeux. Puis se tournant vers Ulrich :
— Que fais-tu à Constance ? Ne me dis pas que tu es juste venu me chercher ? En ce qui me concerne, je ne suis là que par hasard.
Ulrich ne mit pas longtemps à réfléchir. N’ayant rien à perdre, il répondit franchement :
— Je veux quitter Strasbourg. Cette ville ne m’a apporté que des ennuis. Je t’ai perdue. Tous les jours, la cathédrale me rappelle que j’ai été jeté dans un cachot alors que j’étais innocent. Même si mon plus grand ennemi est en prison à son tour, j’ai trop de mauvais souvenirs là-bas.
— L’évêque Wilhelm, ce puissant prince de l’église, derrière les barreaux ? C’est incroyable !
Ulrich acquiesça.
— Oui, c’est son propre chapitre qui l’a jeté en prison. La vie de débauche qu’il menait s’est retournée contre lui. Me voilà débarrassé d’un ennemi à Strasbourg, mais d’un seulement parmi tant d’autres.
— Tu es venu là pour trouver un nouveau commanditaire ?
— Exactement. Je n’ai pas trop mauvaise réputation en tant qu’architecte. Les cathédrales de Strasbourg et d’Ulm sont admirées dans le monde entier. Je suis en pourparlers avec Milan, où l’on me propose d’achever la construction de la cathédrale.
Subitement, Ulrich cessa de parler. Il indiqua des yeux un deuxième homme en manteau noir.
— Il est plus prudent que nous nous séparions et que nous repartions par des
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