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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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n ul autre que toi n’a les capacités de réaliser une telle œuvre.
    — Afra, ne te donne pas la peine de me consoler. Je ne me doutais pas que j’avais misé sur le mauvais cheval, objecta l’architecte.
    Afra souffrait de le voir si abattu. Elle ne s’inquiétait pas de leur avenir matériel. Grâce à la cathédrale d’Ulm, Ulrich avait gagné plus d’argent qu’ils ne pourraient jamais en dépenser, à condition qu’ils mènent une vie raisonnable. Ils avaient loué une maison confortable dans la Bruderhofgasse.
    Mais Ulrich n’était pas le genre d’homme à se contenter de ses acquis, il débordait d’idées, et la vue de cette église inachevée le rendait fou.
    Le lendemain, Afra rassembla son courage et alla rendre visite à l’ammeister, le chef du parlement qui, entouré de quatre settmeister, gouvernait cette riche ville. Elle portait une jolie robe de lin clair qui n’impressionna pas vraiment le vieil homme blasé.
    Avec sa chevelure brune couronnant son visage et retombant sur ses épaules, il avait l’allure impressionnante d’un flibustier.
    Il recevait au premier étage de l’hôtel de ville, dans une vaste salle meublée avec goût. Le bureau derrière lequel il se tenait assis, aussi grand qu’un char à bancs, donnait aux visiteurs le sentiment qu’il était inaccessible et imperméable à leurs problèmes.
    La réalité prouvait le contraire puisqu’il accueillait quotidiennement deux à trois cents solliciteurs, plaignants et requérants, qui devaient faire la queue, laquelle s’étirait certains jours jusqu’à l’extérieur de l’hôtel de ville sur la place.
    Après qu’Afra eut exposé sa requête, l’ammeister quitta son fauteuil, dont le dossier dépassait le haut de son crâne d’au moins deux aunes et se dirigea vers l’immense fenêtre qui le fit apparaître encore plus petit. Les mains croisées dans le dos, il regardait au dehors :
    — Dans quels temps vivons-nous pour qu’une femme soit obligée d’intervenir en faveur de son époux ? Maître Ulrich aurait-il perdu la parole ? Serait-il muet pour vous envoyer en ambassade ? dit-il sans se retourner.
    Afra répondit tête baissée :
    — Noble messire, Ulrich von Ensingen n’est pas muet, il est plutôt fier, trop fier pour vous vendre ses services comme un marchand vend ses légumes. C’est un artiste, et les artistes aiment qu’on fasse appel à eux. De plus, il n’est pas au courant de ma visite.
    — Un artiste ! s’exclama l’ammeister d’une voix de stentor, trois fois plus fort qu’avant. Qu’entends-je là ? Maître Erwin qui, tel un magicien, fit surgir du sable la cathédrale, ne s’est jamais considéré comme un artiste.
    — C’est possible, mais les talents de maître Ulrich sont comparables à ceux de maître Erwin. Il est indéniable que la cathédrale d’Ulm suscite autant d’admiration que celle de Strasbourg.
    — Mais d’après ce qu’on dit, la cathédrale d’Ulm n’est pas achevée. Vous pourriez peut-être m’expliquer pourquoi maître Ulrich a abandonné son travail en cours ?
    Afra s’était imaginé l’entrevue plus aisée. Si elle voulait sauver la mise, elle devait choisir judicieusement ses arguments.
    En tout dernier recours, elle pourrait faire valoir que l’évêque Wilhelm, bien qu’elle sache depuis qu’il n’avait aucune responsabilité dans l’avancement des travaux, avait lui-même invité Ulrich à Strasbourg.
    — Il me semble, reprit Afra la rage au cœur, que vous ignorez encore que le bourgeois d’Ulm ne sont qu’un peuple de bigots menant par ailleurs pour la plupart une vie dépravée. Quand maître Ulrich a émis l’intention de construire la plus haute tour de la chrétienté, les bourgeois se sont figuré que le sommet de la flèche toucherait le ciel. Ils l’ont alors accusé de commettre un sacrilège. À ce moment-là, le hasard a voulu qu’Ulrich von Ensingen reçoive une lettre de votre évêque Wilhelm von Diest lui demandant de venir à Strasbourg pour ériger la plus haute tour de l’Occident.
    En entendant le nom de Wilhelm von Diest, le visage de l’ammeister s’empourpra. Il se retourna vers Afra avec un visage sombre.
    — Ce maudit fils de pute ! marmonna-t-il d’une voix blême. Afra n’en croyait pas ses oreilles. Son é minence n’a que foutre de la construction de la cathédrale, poursuivit-il, cet évêque lubrique n’est même pas autorisé à dire la messe. À quoi lui servirait

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