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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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plus que moi. »
    En se hâtant, Fraech et Conall eurent tôt fait d’aborder la
femme qui gardait les vaches sur le versant de la montagne. Elle leur souhaita
la bienvenue et leur demanda d’où ils venaient : « Nous venons
d’Irlande, lui répondit Fraech, et nous voulons reprendre la femme qu’on garde
dans la forteresse, ainsi que les vaches qu’on m’a dérobées. Connais-tu un
moyen d’entrer dans la place ? »
    En entendant ces paroles, la femme poussa trois cris de
lamentation. « Hélas ! s’écria-t-elle ensuite, c’est pour votre
malheur que vous êtes venus dans ce pays. Cette forteresse est gardée par un
serpent monstrueux qui ne laisse entrer que ceux qu’il connaît. Tous les
autres, il se jette sur eux et les dévore, et je ne connais personne qui soit
parvenu à lui échapper. Mais qui êtes-vous donc, vous qui êtes assez téméraires
pour espérer pénétrer dans cette forteresse ? – Voici Fraech, fils
d’Idach, de Connaught, et moi je suis Conall Cernach, compagnon de la Branche
Rouge [109] ,
en Ulster. C’est Finnabair, fille d’Ailill et de Maeve, qui est retenue
prisonnière dans la forteresse, et les vaches données à Fraech par sa mère,
Befinn, des tribus de Dana, se trouvent parmi le troupeau que tu gardes. »
    À ces mots, la femme se précipita et, jetant ses bras autour
du cou de Conall Cernach, manifesta une joie exubérante. « Que
t’arrive-t-il ? demanda Conall, fort surpris de son comportement. – Je
vais vous expliquer, répondit-elle. Si j’ai tant de joie, c’est que la
destruction de cette forteresse est proche. Une prédiction court en effet le
pays, qui te désigne comme l’homme qui doit achever les aventures douloureuses
qui sont les nôtres. Elle ajoute qu’il te suffirait de mettre ta ceinture
autour de la tête du serpent pour que celui-ci s’endorme immédiatement. –
Vraiment ? s’écria Conall. Dans ce cas, allons-y tout de suite ! –
Non pas, dit la femme, car les guerriers qui gardent la forteresse sont aussi
dangereux que le serpent. Il faut attendre la nuit. Je vais rentrer dans ma
maison mais, ce soir, je ne trairai pas les vaches, et je prétendrai que les
veaux ont besoin de téter toute la nuit. Je laisserai donc la porte de la cour
ouverte, car c’est moi qui la ferme tous les jours avant la tombée de la nuit.
Vous entrerez ainsi dans la forteresse lorsque la garnison sera endormie.
Ensuite, vous agirez comme bon vous semble. »
    Ils attendirent donc que la nuit fût tombée et se
présentèrent à la porte de la forteresse. Le serpent, d’un bond terrible, se
précipita vers eux, mais Conall eut le temps de lui entourer la tête de sa
ceinture, et il s’endormit aussitôt. Alors, ils pénétrèrent plus avant, tuèrent
la garde, délivrèrent Finnabair et s’enfuirent en emportant les plus précieux joyaux
que recélait la place. Ils avaient allumé un grand feu qui se propagea sur
toute la montagne, et ils partirent après avoir pris soin de rassembler les
vaches de Fraech. Puis ils ne tardèrent guère à atteindre un port, et ils
s’embarquèrent sur la mer, avec Finnabair et les vaches qu’avait données Befinn
à son fils.
    Seulement, il en manquait encore trois. Aussi se
rendirent-ils en Écosse, chez les Pictes du nord. Non sans peines infinies, ils
découvrirent enfin l’endroit où se trouvaient les vaches, réussirent à s’en
emparer et pillèrent la forteresse du voleur. Après quoi, ils gagnèrent le
rivage et naviguèrent sur la mer jusqu’aux côtes d’Irlande, qu’ils atteignirent
à l’endroit qu’on appelle Bennchur.
    C’est là que se séparèrent Fraech et Conall Cernach, après
s’être renouvelé leur serment d’amitié. Conall regagna sa forteresse, et
Fraech, en compagnie de Finnabair, traversa l’île avec son troupeau et rentra
dans sa maison où personne ne l’attendait plus. [110]

CHAPITRE XI

La Terre des Fées
    Par un beau jour du début de l’été, Bran, fils de Fébal, se
promenait seul sur la prairie qui s’étendait au bas de sa forteresse. Le soleil
brillait, la brise soufflait légère. Tout à coup, Bran entendit de la musique
derrière lui. Il se retourna pour savoir qui jouait ainsi mais, dès qu’il se
fut retourné, le même chant retentit encore derrière lui. Cela dura un certain
temps, mais il finit par s’allonger sur l’herbe et s’endormit, tant la mélodie
était douce et harmonieuse.
    Quand il émergea de son sommeil, il aperçut près de lui

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