Les conquérants de l'île verte
paraissait
avoir quinze jours et il continua de grandir ainsi, tellement plus vite que les
autres enfants de son âge, qu’à la fin de sa septième année, il avait la taille
d’un garçon de quatorze ans. Ainsi fut Bress, fils d’Élatha des Fomoré et d’Éri
des tribus de Dana [38] .
Quand les tribus de Dana eurent connaissance de ces faits,
leurs chefs se réunirent et furent d’avis qu’il fallait conclure un traité
d’amitié avec les Fomoré. Ils envoyèrent alors des ambassadeurs auprès des
Fomoré, et une alliance fut ainsi scellée entre eux. Et voilà comment Cian,
fils de Diancecht, épousa Ethné, fille de Balor, le champion des Fomoré. De
leur union naquit Lug au Long Bras, qui fut plus tard le héros de tous les
hommes qui se réclamaient des tribus de Dana. Mais Lug ne fut pas élevé par sa
mère car, lorsque les tribus de Dana vinrent en Irlande, Lug fut confié à une
femme des Fir Bolg qui se nommait Tailtiu, laquelle fut sa mère nourricière, et
dont il perpétua la mémoire par des jeux funèbres qui se tenaient au lieu même
où elle fut enterrée, c’est-à-dire à Tailtiu, puisque c’est le nom qu’on donna
ensuite à cet endroit [39] .
Vint un temps où les gens des tribus de Dana furent si
nombreux qu’ils se trouvèrent à l’étroit dans les quatre villes où ils
résidaient. Nuada, qui était leur chef, les réunit autour de lui et, après de
longues discussions, ils prirent la résolution de partir sur la mer et de
rejoindre l’Irlande qui était le pays de leurs ancêtres. Ils équipèrent des
bateaux au nombre de trois cents et se préparèrent pour un long voyage. Et ils
emportèrent des objets merveilleux, grâce auxquels ils pensaient s’assurer la
suprématie sur les autres peuples de la terre. De la ville de Falias fut
apportée la Pierre de Fâl qui fut ensuite placée sur la colline de Tara et que
certains ont appelée la Pierre du Destin : elle criait sous chaque roi qui
devait gouverner l’Irlande [40] .
De Gorias fut apportée la lance qui fut plus tard celle de Lug, et qu’on
appelait également la Lance d’Assal : on ne pouvait gagner de bataille sur
celui ou celle qui la brandissait [41] .
De Findias fut apportée l’épée de Nuada, qu’on appelait également Caladbolg,
c’est-à-dire Violente Foudre : personne ne lui échappait, tant sa fureur
était grande quand elle était tirée de son fourreau [42] .
De Murias fut apporté le chaudron de Dagda : il contenait une nourriture
inépuisable, et aucune compagnie ne le quittait qu’il n’eût rassasiée [43] .
Les tribus de Dana partirent alors des Îles du nord du Monde
et naviguèrent vers l’Irlande. Au bout de trois jours, trois nuits et trois ans,
elles abordèrent sur le rivage de Muga en Ulster : ce fut le lundi de la
semaine du début du mois de mai [44] .
Certains prétendent que les gens de Dana, qui étaient de la race de Iarbonel le
Devin, étaient arrivés sans vaisseaux et sans barques, sur des nuages sombres,
par la seule vertu de leur druidisme ; mais la vérité est que, lorsqu’ils
eurent débarqué, ils brûlèrent tous leurs navires afin de ne pas s’en retourner
si l’envie leur en prenait ou si un danger les menaçait. Les grands nuages de
fumée qui, en cette occasion, obscurcirent le ciel au-dessus de l’Irlande,
firent croire qu’ils étaient venus dans un brouillard magique. Mais ce qui est
certain, c’est que la fumée déroba aux yeux leur arrivée, et qu’ils allèrent se
réfugier dans le pays de Corcu Belgatan qui est maintenant le Connemara, dans
la province de Connaught [45] .
En ce temps-là, le roi d’Irlande était Éochaid, fils d’Erc,
de la race des Fir Bolg. Or, la nuit même où les tribus de Dana avaient abordé,
il eut une vision pendant son sommeil. Il se réveilla mal à l’aise et fit
appeler son druide qui avait nom Cesard. Lorsque celui-ci fut en sa présence,
le roi lui dit qu’il était rempli d’angoisse et de perplexité à cause d’un rêve
qu’il avait eu pendant la nuit.
« Qu’as-tu donc vu, en vérité, ô roi d’Irlande ?
demanda Cesard. – En vérité, répondit Éochaid, j’ai vu de grandes troupes
d’oiseaux noirs qui surgissaient des profondeurs de la mer et qui se
dirigeaient vers moi. Bientôt, ils se posèrent sur la terre et se mêlèrent à
nous. Mais ils apportaient la confusion et l’hostilité parmi les hommes
d’Irlande. Alors, l’un des nôtres prit son épée et coupa une aile à celui
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