Les conquérants de l'île verte
la
forteresse de Tara et, sans plus tarder, ils s’y rendirent, avec ce qu’ils
avaient conquis pour prix de la compensation. On leur souhaita la bienvenue, et
le roi leur demanda s’ils avaient obtenu ce que réclamait Lug au Long Bras.
« Nous avons tout cela, répondit Brian, et nous sommes prêts à le lui
présenter. »
Mais Lug n’était pas là, car il avait su le retour des fils
de Tuirenn en Irlande, et il voulait que sa vengeance fût plus complète. On
envoya donc des messagers à travers toute l’île, et ceux-ci finirent par le
retrouver. Il vint à l’assemblée des chefs et des nobles des tribus de Dana.
Quand il fut sur le terre-plein devant la maison royale de
Tara, les fils de Tuirenn lui présentèrent le prix de la compensation. Après
avoir examiné soigneusement les pommes d’or, la peau de porc, la lance, les
chevaux et le char, les sept porcs et le jeune chien, Lug s’exclama : « Il
est heureux que les chefs des tribus de Dana soient vos cautions car, sans
cela, je vous aurais tués immédiatement pour avoir failli à vos engagements. –
Comment cela ? » dirent les fils de Tuirenn.
Lug au Long Bras les toisa d’un air de mépris et dit d’une
voix forte, de façon à être entendu par tous ceux qui se trouvaient dans
l’assemblée : « Où sont donc la broche à rôtir et les trois cris que
je vous avais demandés ? Il me semble qu’ils ne sont pas dans ce que vous
m’apportez. »
En entendant cela, les fils de Tuirenn furent atterrés et se
souvinrent tout à coup qu’ils avaient perdu la mémoire. Ils quittèrent Tara et
s’en allèrent chez leur père à Dun Édair [77] . Ils lui racontèrent
leurs aventures et la façon dont Lug au Long Bras les avait traités devant
l’assemblée. Tuirenn fut saisi d’une grande tristesse et d’une grande
mélancolie. Ils passèrent cette nuit-là ensemble et, au matin, redescendirent
vers le port. Mais ils n’avaient plus pour partir la barque de Mananann, car
ils l’avaient rendue à Lug. Ethné, leur sœur, était avec eux, qui les
accompagna tant qu’ils furent à terre. Et, avant leur embarquement, elle chanta
un chant plaintif qui plaignait le sort des fils de Tuirenn.
Après avoir écouté le chant de leur sœur, les fils de
Tuirenn hissèrent les voiles de leur bateau et s’en allèrent sur la mer. La
broche à rôtir qu’ils devaient découvrir se trouvait dans l’île de Fianchair,
mais aucun d’eux ne connaissait l’emplacement de cette île, et leur nouveau
vaisseau ne pouvait les conduire de lui-même où ils désiraient aller. Ils
savaient seulement que cette île était sous la mer.
Ils errèrent pendant le quart d’une année, interrogeant tous
ceux qu’ils rencontraient, et ils finirent par apprendre que l’île de Fianchair
se trouvait à peu de distance de leur bateau. Chacun à son tour, tous trois
longèrent dans les vagues et tentèrent de découvrir un chemin qui menait à
cette île. Au bout de quelques semaines, ils surent enfin qu’elle se trouvait
juste au-dessous d’eux, et qu’il suffisait de plonger pour y parvenir.
« C’est à moi seul d’y aller, dit Brian à ses frères, car en tant qu’aîné,
je suis responsable de vous. »
Ils le laissèrent donc aller, et il pénétra dans la ville
qui s’étendait sous la mer. Un groupe de femmes y était occupé à coudre et
broder. Et, parmi les innombrables objets qui entouraient ces femmes, il
aperçut des broches à rôtir. Alors, sans faire de bruit, Brian s’approcha des
broches, en saisit une et se dirigea vers la porte mais toutes les femmes
présentes éclatèrent soudain de rire. « Quelle action hardie tu viens
d’accomplir ! dit enfin l’une d’elles à Brian. Sais-tu que si tes deux
frères t’avaient accompagné, aucune d’entre nous ne vous aurait permis
d’emporter de broche. Loin de là, nous nous serions précipitées sur vous, nous
vous aurions crevé les yeux et vous aurions châtrés. Mais, comme tu es venu
seul, sans défense et que tu ne nous as pas agressées, nous te permettons
d’emporter la broche. Nous te savons brave, et voilà pourquoi nous te laissons
aller. »
Brian les remercia et leur dit adieu. Puis il sortit de la
ville et rejoignit ses frères à bord. Et ceux-ci se réjouirent de le voir
revenir, sain et sauf. Hissant les voiles, ils repartirent sur la mer en
direction du nord, afin d’atteindre la colline de Miodchain, l’ancien maître de
Cian, fils de Diancecht, sur
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