Les conquérants de l'île verte
laquelle ils devaient pousser trois cris afin de
les rapporter à Lug, fils de Cian.
Ils mirent plusieurs mois à atteindre l’île où s’élevait la
colline de Miodchain. Quand ils y arrivèrent, Miodchain les vit et vint à leur
rencontre, car son interdit était d’empêcher quiconque de pousser des cris sur
cette colline. Quant il l’aperçut, Brian n’hésita pas à l’attaquer, et ils combattirent
tous deux longtemps. Enfin, Miodchain succomba mais il laissait trois fils qui,
à leur tour, vinrent affronter les trois fils de Tuirenn. Après une lutte âpre,
rageuse et désespérée, les fils de Miodchain passèrent leurs lances au travers
du corps des fils de Tuirenn mais ceux-ci, loin d’avoir peur et de craindre la
mort, transpercèrent à leur tour les poitrines des fils de Miodchain, les
laissant morts sur le terrain. Alors, les fils de Tuirenn poussèrent trois cris
sur la colline et, quoiqu’ils souffrissent de grandes peines, ils regagnèrent
leur bateau et mirent à la voile. « Il ne nous faut pas mourir avant
d’atteindre l’Irlande, dit Brian à ses frères, car nous devons payer à Lug au
Long Bras la compensation qu’il nous a demandée. »
Ils naviguèrent ainsi de longues semaines sur la mer avant
d’atteindre l’Irlande et d’aborder devant la forteresse de Ben Édair. Tuirenn
vint les accueillir sur le rivage et, les voyant dans ce triste état, n’éprouva
plus qu’un sombre désespoir. « Père, lui dit faiblement Brian, voici la
broche à rôtir et les trois cris poussés sur la colline de Miodchain. Nous
avons rapporté ce que Lug au Long Bras nous réclamait en compensation du
meurtre de son père. Apporte-les-lui et demande-lui de te prêter la peau de
porc du roi de Grèce, afin que tu puisses nous guérir de nos blessures et nous
sauver de la mort. Fais vite, car nous sommes épuisés, mais nous ne voulions
pas mourir sans avoir revu l’Irlande et sans avoir payé le prix que l’on nous
réclamait. »
Tuirenn partit immédiatement à la recherche de Lug au Long
Bras. Il le rencontra à Tara au milieu de l’assemblée des nobles et des chefs
des tribus de Dana. Il lui donna la broche et les trois cris de la colline de
Miodchain. Puis il le pria, devant toute l’assemblée, de lui prêter la peau de
porc du roi de Grèce afin de sauver ses trois fils de la mort. « Cela
n’entre pas dans nos conventions, répondit Lug. Je suis satisfait que tes fils
aient rempli leurs obligations et payé la compensation que je leur avais
réclamée pour le meurtre de mon père, mais leur sort ne m’intéresse pas. Je ne
te prêterai en aucun cas la peau de porc du roi de Grèce. »
Alors, Tuirenn revint là où il avait laissé ses fils, à bord
du bateau où ils gisaient, à bout de résistance, et il leur annonça la réponse
de Lug. « Emmène-moi jusqu’à Lug, ô mon père, dit Brian, et je le
supplierai de m’accorder la peau de porc qui guérit toute maladie et toute
blessure. »
Tuirenn l’emmena donc jusqu’à Tara. Une fois dans la maison
royale, Brian dit à Lug au Long Bras : « Nous avons commis un meurtre
à l’encontre de ton père, ô Lug, et tu nous as demandé une compensation que
nous t’avons apportée. Permets donc que nous puissions enfin guérir de nos
blessures. – Cela n’entre pas dans nos conventions, dit Lug avec obstination.
Vous avez satisfait à cette compensation, votre honneur est sauf, voilà tout ce
que je puis pour vous. Et rien ne m’oblige à venir en aide aux meurtriers de
mon père. »
Quand Brian eut entendu la réponse de Lug, il pria son père
de le ramener dans le bateau où gisaient ses deux frères et, montant à bord,
alla s’étendre auprès d’eux. Et, là-dessus, son âme le quitta, tandis que
celles de ses cadets les abandonnaient. Tuirenn fit ériger un pilier pour ses
fils et y inscrivit leurs noms en ogham . Et Ethné,
fille de Tuirenn, chanta un chant funèbre pour ses trois frères.
Telle fut la vengeance de Lug au Long Bras sur les fils de
Tuirenn pour le meurtre qu’ils avaient perpétré sur la personne de son père,
Cian, fils de Diancecht. [78]
CHAPITRE VI
Les Fils de Milé
En des temps très lointains, vivait un roi très puissant qui
avait établi son autorité sur tout le pays qu’on appelle aujourd’hui la
Celtique. Et ce roi avait une fille, à qui il avait donné le nom de
Celtiné : cette fille était d’une taille si extraordinaire qu’elle
surpassait toutes les autres
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