Les conquérants de l'île verte
leur présenta les porcs, et le roi
dit : « Voici ce que vous cherchiez avec tant d’ardeur. Ils sont
maintenant à vous. Mais quel voyage allez-vous entreprendre ? Que
devez-vous encore acquérir pour satisfaire aux clauses de compensation ? –
Il nous faut aller dans le pays d’Ioraidh, répondit Brian, et en ramener le
chien que possède le roi. C’est un chien devant lequel se couchent tous les
animaux sauvages. – Puis-je vous demander une faveur ? dit le roi Éasal. –
Certainement, et nous te l’accordons volontiers, car nous te devons une grande
reconnaissance. – Eh bien, voici, dit le roi Éasal. Il se trouve que ma fille a
épousé le roi d’Ioraidh. Il est donc mon gendre. Acceptez que je vous
accompagne, et je me charge de vous procurer le chien sans combat. »
Les fils de Tuirenn remercièrent le roi Éasal et partirent
avec lui jusqu’au pays d’Ioraidh. Le pays était sous bonne garde, car on savait
que les fils de Tuirenn avaient massacré bien des gens dans les royaumes où ils
s’étaient rendus. Aussi, se trouvait-il partout d’énormes quantités de troupes
prêtes à engager le combat contre n’importe quels étrangers qui aborderaient
sans motif.
Mais le roi Éasal se fit connaître et descendit à terre pacifiquement.
Il alla jusqu’à l’endroit où se tenait son gendre, le roi d’Ioraidh, et lui
raconta les voyages et les aventures des fils de Tuirenn. « Pourquoi les
avoir amenés dans mon pays ? demanda le gendre. – Pour te demander le
chien que tu possèdes, répondit le roi Éasal. – Par tous les dieux !
s’écria le roi d’Ioraidh, il ne serait pas juste que je reconnaisse à trois
guerriers le droit de s’emparer de mon chien sans avoir auparavant livré
bataille. – Ce n’est pourtant pas ainsi qu’il convient d’agir, reprit le roi Éasal.
Il ne t’en coûtera que des malheurs et des outrages. »
Malgré les remontrances de son beau-père, le roi d’Ioraidh
refusa de revenir sur sa décision. Le roi Éasal revint donc vers les fils de
Tuirenn et leur annonça la nouvelle. « Puisqu’il en est ainsi, dit Brian,
force nous sera d’engager la lutte. »
Les armées d’Ioraidh se ruèrent sur les fils de Tuirenn et,
pour ce combat rude et violent, ceux-ci se séparèrent, chacun donnant des coups
furieux contre tous ceux qui se présentaient. Brian ouvrait devant lui une
brèche de danger et de mort, mettait ses adversaires en déroute, les rattrapait
et les massacrait sans pitié. Ses deux frères faisaient de même sur les flancs,
et ils livrèrent une bataille qui fut héroïque et sanglante. On se rendait coup
pour coup, mutuellement, et, pendant de longues heures, ce ne furent que
martèlement incessant, assauts farouches, lutte impitoyable. À la fin, Brian
bondit sur le roi d’Ioraidh mais, au lieu de le frapper et de le tuer, il le
ligota puis le promena dans cet appareil devant son armée avant d’aller le
présenter au roi Éasal. « Voici ton gendre, roi Éasal ! s’écria-t-il.
Et je te jure, sur mon honneur et la valeur de mes armes, qu’il m’aurait été
plus facile de le tuer que de le mener de la sorte vers toi. Si je l’ai
épargné, c’est par égard et reconnaissance envers toi. Prends cet homme et
fais-en ce que tu voudras. »
Le roi Éasal fit en sorte que le combat prît fin. Il délivra
son gendre sous condition que celui-ci donnerait le chien aux fils de Tuirenn,
et il accepta. Puis on conclut une paix fondée sur une amitié sans faille.
Alors, les fils de Tuirenn firent leurs adieux au roi Éasal et au roi
d’Ioraidh, et s’en revinrent, avec le chien, heureux et satisfaits, sur la
barque de Mananann.
Or, pendant ce temps, Lug au Long Bras, qui possédait le don
de voir ce qui se passait très loin dans le monde, eut connaissance des hauts
faits des fils de Tuirenn. Il apprit ainsi qu’ils étaient sortis victorieux de
toutes les épreuves qu’il leur imposait. Et il en conçut une grande amertume.
Il chanta une incantation dans le vent et plaça un charme druidique si puissant
sur les fils de Tuirenn qu’ils en oublièrent que manquaient encore deux parties
de la compensation due à Lug. Et celui-ci leur mit aussi au cœur un grand désir
de revoir au plus tôt l’Irlande.
Aussi la barque de Mananann les ramena-t-elle à Brug-na-Boyne.
Une fois descendus à terre, ils s’informèrent sur l’assemblée des tribus de
Dana. On leur apprit que le roi Nuada au Bras d’Argent tenait conseil dans
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