Les conquérants de l'île verte
qui promettaient aux hommes une riche moisson d’or et de
bienfaits.
Cependant, au fur et à mesure que s’accroissaient les
richesses, la population devenait aussi de plus en plus nombreuse, et il vint
un temps où les récoltes ne furent plus suffisantes pour assurer la nourriture
de tous, un temps surtout où il devenait difficile de gouverner pareille
multitude. Aussi le roi Ambigat, successeur de Luern, qui se sentait devenir
vieux et qui désirait décharger le royaume de son surcroît de population,
fit-il venir à lui les deux fils de sa sœur, Bellovèse et Ségovèse, jeunes gens
aussi courageux qu’entreprenants. Il leur annonça son intention de les envoyer
vers de nouvelles terres et les pria, dans ce dessein, de bien vouloir fixer le
nombre d’hommes qu’ils emmèneraient, pour empêcher qu’aucun peuple osât
s’insurger contre leur venue.
Bellovèse et Ségovèse choisirent donc les hommes qui
devaient les accompagner ; puis on manda les druides, les sages, les
devins, et on les interrogea sur la destination qu’il convenait d’affecter aux
deux groupes. Les druides, les sages et les devins se consultèrent et
dirent : « Nous pensons que deux directions s’imposent, l’une vers la
forêt hercynienne, l’autre vers l’Italie. Car les contrées les plus fertiles de
la Germanie se trouvent près de la forêt hercynienne, dans une région que les
anciens appelaient Orcynie. Quant à l’Italie, son climat et ses vallées bien arrosées
permettraient de cultiver la vigne, ce qui serait source de richesses. – Fort
bien, dit le roi Ambigat, mais il nous faut maintenant savoir lequel de mes
neveux ira vers l’orient, lequel vers le sud. » On s’en remit au sort, et
le sort attribua l’Italie à Ségovèse et la forêt hercynienne à Bellovèse.
Bellovèse partit donc avec un grand nombre d’hommes,
cavaliers et fantassins, des chars de combat et de lourds chariots pour les
vivres et le butin. Mais la forêt hercynienne ne leur offrit pas le séjour
qu’ils espéraient. Alors, les druides qui les accompagnaient observèrent le vol
des oiseaux et préconisèrent de continuer vers le sud, à la suite de ceux-ci,
lesquels franchissaient de hautes montagnes. Et voilà comment cette troupe de Celtes,
qui se nommaient eux-mêmes Gaulois, troupe farouche, redoutable et audacieuse,
passa la cime terrible des Alpes et viola des lieux dont le froid semblait
jusqu’alors avoir interdit l’accès.
De là, ils parvinrent en Illyrie. Les Illyriens menaient une
vie très oisive et passaient leur temps attablés à d’interminables festins. Les
Gaulois, qui cherchaient un moyen de s’en débarrasser à moindres frais,
décidèrent de profiter de leur intempérance : chacun d’eux devrait inviter
un Illyrien sous sa tente, après avoir pris soin d’y faire dresser une table
bien mise et bien pourvue ; mais il mêlerait aux viandes qu’il servirait à
son hôte une certaine herbe qui relâche le ventre. Et, grâce à ce stratagème,
les Gaulois se rendirent maîtres du pays : nombreux furent en effet les
Illyriens que permit de tuer leur état de faiblesse, tandis que ceux que vidait
inexorablement le flux de leur ventre se précipitaient eux-mêmes dans les
rivières.
Mais on prétend aussi que les Illyriens périrent victimes de
la vengeance du dieu Apollon qu’ils avaient offensé par leurs manières et leur
indolence. Avant que ne commençât la bataille contre les Gaulois, ils subirent
orages, tempêtes et pluies diluviennes. Et ceux qui purent échapper tant aux
inondations qu’à la traîtrise des Gaulois, ceux-là rencontrèrent d’autres
tourments, car la terre enfanta une quantité extraordinaire de grenouilles, par
la putréfaction et l’infection desquelles toutes les eaux du pays furent
corrompues. Pire encore, en raison des miasmes qui émanaient de la terre, l’air
devint si infect que la peste se déclara, si violente qu’ils furent contraints
d’abandonner le pays. Et les Gaulois non plus ne voulurent pas rester plus
longtemps dans cette contrée maudite.
La première expédition qu’ils entreprirent fut dirigée par
Cambaulès. Ils pénétrèrent jusqu’en Thrace, mais sans oser s’attaquer aux
peuples qui résidaient au-delà. La suivante, ils la tentèrent à l’instigation
de ceux qui avaient suivi Cambaulès. Ils mirent sur pied une armée prodigieuse
de fantassins et de cavaliers qu’ils partagèrent en trois corps, le premier
confié à Cerethrios, le
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