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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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à les réconforter tous trois, plaça Aedh sous
son poitrail, Conn sous son aile droite et Fiachra sous son aile gauche, tant
et si bien que, blottis dans son duvet, ils finirent par se réchauffer.
    « Hélas, mes frères ! dit-elle, si elle fut bien
cruelle, la nuit que nous venons de vivre, nous en devrons subir bien d’autres
encore plus terribles avant de pouvoir quitter cet endroit. »
    Et, de fait, ils demeurèrent un très long temps à la Passe
de Moyle, endurant le froid et la misère, jusqu’à ce que la neige, une nuit,
les accablât. Ils n’avaient jamais souffert pire malheur. Ils pleuraient et
gémissaient sur la cruauté de leur sort, sur le froid de la nuit, sur
l’épaisseur de la neige et sur l’aigreur du vent dont les souffles glacés,
transperçant leur plumage, mordaient leurs os. Après qu’ils eurent pâti de
cette situation pendant une année entière, une nuit bien pire s’abattit sur eux :
ils se trouvaient alors sur l’Île aux Phoques, mais l’eau gelait autour d’eux
et, comme ils se reposaient sur le roc, leurs pattes, leurs ailes, leurs plumes
se prirent à geler, les collant si étroitement à la pierre qu’ils ne pouvaient
faire un mouvement. Ils se débattirent cependant de toute la vigueur dont ils
disposaient encore et parvinrent à se libérer, mais non sans y laisser la peau
de leurs pattes, beaucoup de plumes et l’extrémité de leurs ailes.
« Hélas, enfants de Lîr ! dit Finula, triste est la situation où nous
nous trouvons, car nous ne pouvons endurer que l’eau salée nous touche et,
pourtant, nous sommes tenus de ne pas quitter la mer : si le sel de l’eau
pénètre dans nos plaies, nous risquons la mort. »
    Il leur fallut donc revenir au courant marin de Moyle, mais
l’eau chargée de sel était si vive et si cruelle que leurs plaies les firent
atrocement souffrir. Et pourtant, si âpre que fût cette eau, ils ne pouvaient
ni la fuir ni s’en préserver, car tel était leur destin. Ils restèrent ainsi le
long du rivage, endurant toutes les misères du monde jusqu’au jour où, leurs
plumes ayant repoussé, leurs plaies s’étant cicatrisées, ils se trouvèrent
entièrement guéris. Alors, dès le matin, ils s’élançaient dans le ciel et
atteignaient les rivages de l’Irlande ou ceux de l’Écosse mais, chaque soir,
avant le coucher du soleil, il leur fallait revenir à la Passe de Moyle.
    Un jour qu’ils survolaient les côtes de l’Irlande, ils
arrivèrent à l’embouchure de la Boyne et y aperçurent une troupe de cavaliers
de belle allure et qui, richement vêtus de blanc, montaient des coursiers
agiles et bien dressés. « Savez-vous qui sont ces cavaliers, enfants de
Lîr ? demanda Finula. – Nous l’ignorons, répondirent ses frères, mais il
se pourrait qu’ils fussent des Fils de Milé ou des enfants des tribus de
Dana. »
    Ils s’approchèrent davantage du rivage afin d’identifier les
beaux cavaliers qui, les apercevant, s’approchèrent assez pour lier
conversation. Il y avait là les deux fils de Bobdh Derg, Aedh à l’esprit agile
et Fergus le Sage, et avec eux des nobles des tribus de Dana. Ils avaient
quitté la demeure de Bobdh Derg pour aller dans celle de Lîr y célébrer la Fête
du Temps. Les cygnes se firent alors reconnaître comme les enfants de Lîr, et
les nobles des tribus de Dana, tout heureux de cette rencontre, leur
souhaitèrent la bienvenue tout en s’informant de leur sort. Puis, Finula
demanda des nouvelles de Lîr, de Bobdh Derg et de tous les autres chefs du
peuple féerique.
    « Ils sont tous aussi sains et valeureux que lorsque
vous étiez des nôtres, leur répondit-on. Ils résident dans les mêmes lieux et,
demain, ils se réunissent dans le palais de votre père, à la Blanche Colline.
On y célébrera la Fête du Temps de façon plaisante et heureuse, sauf que chacun
y déplorera votre absence, car nul ne savait ce que vous étiez devenus depuis
votre départ du Lac des Chênes. – Hélas, notre sort ne vaut pas le vôtre, dit
Finula. Nous avons subi de lourdes et pénibles épreuves, nous avons souffert
d’interminables tourments sur les flux et reflux de la mer, depuis lors et
jusqu’à ce jour. »
    Et, là-dessus, elle chanta ce chant :
     
    « On mène grande joie dans le palais de Lîr.
    On y boit de la bière et de l’hydromel.
    Pourtant, froide est la nuit quand reposent
    les quatre enfants du roi.
    Nos couvertures sont sans tache,
    car seule la plume revêt

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