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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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d’une fourberie
de la femme. Aussi se hâta-t-il d’envoyer des messagers vers la demeure de Lîr,
à la Blanche Colline. En les voyant arriver, Lîr leur demanda ce qui les
amenait.
    « Il s’agit de tes enfants, répondirent-ils. – Comment
cela ? s’écria Lîr. Ne sont-ils pas allés dans la demeure de Bobdh Derg en
compagnie d’Aifé ? – Non, répondirent les messagers. Et Aifé prétend que
c’est toi qui n’as pas voulu qu’ils vinssent chez le fils de Dagda, de peur qu’il
ne les gardât. »
    En entendant ces paroles, Lîr fut bouleversé, car il
devinait trop qu’Aifé avait conçu la perte ou la mort de ses enfants. Aussi,
dès le lendemain matin, fit-il atteler son char, et il prit la route qui menait
vers le lac Derg. Quand il fut parvenu aux abords du Lac des Chênes, les quatre
cygnes aperçurent les chevaux et le char, et Finula dit à ses frères :
« Bienvenue soit cette troupe que nous apercevons et qui se dirige vers le
lac. Les hommes qui la composent sont nobles et puissants. On lit sur leurs
traits la tristesse et le deuil : sans aucun doute, c’est pour nous
rechercher qu’ils sont ici. Approchons-nous du bord, car ceux qui arrivent sont
forcément Lîr et les gens de sa maison. »
    Lîr avait entre-temps fait arrêter son char et s’était
approché de la pointe du lac. Il aperçut les cygnes qui venaient à sa rencontre
et, ébahi d’entendre qu’ils avaient une voix humaine, leur demanda raison d’un
pareil mystère. « Je vais te le dire, Lîr, répondit Finula. Les quatre
cygnes que tu vois sont tes propres enfants, et c’est ta femme, sœur de notre
mère, qui, dévorée de jalousie, nous a métamorphosés pour nous perdre. – Y
a-t-il un moyen de vous rendre votre forme naturelle ? – Il n’y en a pas.
Aucun homme au monde n’y pourrait rien, du moins pas avant que nous n’ayons
subi l’épreuve du temps. Et celle-ci doit durer neuf cents ans. Voilà quel est
notre sort. »
    En entendant ces mots, Lîr et ses gens poussèrent trois
grands cris de douleur et de lamentation. « Aimeriez-vous, reprit Lîr,
venir à terre avec nous, puisque vous avez conservé votre langage, votre raison
et votre mémoire ? – Le sortilège qui est sur nous, répondit Finula, nous
interdit de vivre avec aucun être humain. Nous devons rester sur les eaux. Mais
il nous reste notre langage, et nous pouvons chanter de suaves musiques, telles
qu’on en entend dans les palais féeriques. Si vous passez la nuit près de ce
lac, nous bercerons votre sommeil de nos chants les plus mélodieux. »
    Lîr et ceux qui l’accompagnaient firent donc halte en ce
lieu et y établirent leur camp pour la nuit. Ils tendirent l’oreille au chant
des cygnes, et les heures s’écoulèrent pour eux de la plus douce façon. Mais,
le lendemain matin, Lîr s’adressa aux cygnes et leur dit qu’il devait s’en
aller mais qu’il ne les oublierait jamais. Et il poursuivit son chemin jusqu’au
palais de Bobdh Derg.
    On l’y accueillit avec honneur et bienveillance, mais le
fils de Dagda lui reprocha de ne pas avoir amené ses enfants.
« Hélas ! répondit Lîr, ce n’est certes pas moi qui refuserais
d’amener mes enfants dans ta demeure, bien au contraire. C’est cette Aifé, ta
fille d’adoption, la sœur de leur mère, qui les a soumis à un sortilège :
elle leur a imposé la forme de cygnes blancs sur le Lac des Chênes, ainsi que
tous les gens d’Irlande peuvent s’en rendre compte. Ils sont des oiseaux,
maintenant, tout en conservant leur raison, leur esprit, leur voix humaine et
leur langage. »
    À cette nouvelle, Bobdh Derg fut envahi d’une fureur noire
et, mandant Aifé, lui reprocha violemment la mauvaise action qu’elle avait
commise. « Ta traîtrise sera châtiée, lui dit-il, et, pour avoir changé
l’aspect des enfants de Lîr, sois toi-même sous le coup d’un semblable
sortilège. Sous quelle forme, la pire de toutes, ne voudrais-tu pas apparaître
toi-même ? – Le pire, je pense, répondit Aifé, serait d’être changée en
démon de l’air. – Eh bien ! s’écria Bobdh Derg, c’est donc sous cette
forme que tu seras ! »
    Il la frappa immédiatement avec sa baguette magique et
druidique, et Aifé se trouva soudain changée en un esprit malin de l’air. Elle
s’enfuit alors dans les souffles du vent, et c’est sous cette forme qu’elle
sera jusqu’à la consommation des siècles, en châtiment du crime perpétré sur la
personne des

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