Les cons

plus loin un éclair humain jailli des portes à peine ouvertes du RER, il franchit la voie par la passerelle, saute dans un train pour la direction opposée qui arrivait justement au même moment. J'arrive à nouveau à mon point de départ 20 minutes après avoir perdu ma planche des yeux. Elle n'était plus là, je ne la reverrais probablement jamais. Ici se termine l'histoire de Patate.
        Minute de silence.

        Une petite rétrospective s'impose.
        Juillet 2002, Ti Punch et Niluge sont tranquilles. posés sur un banc public sur Pacific Avenue, Santa Cruz, États-Unis d'Amérique. Ils attendent que les filles aient fini de faire du shopping à la friperie. Il fait chaud et ils en profitent, ça fait longtemps qu'ils ont pas eu chaud. Un grand mec habillé en bleu avec des poils de partout et un sacado gigantesque se pointe sur l'avenue, juché sur une petite longboard, un plâtre autour du poignet droit. Niluge (qui est un grand amateur de longboard) fait un bond et interpelle le passant. Il s'appelle Scott, originaire du Texas. Il s'est cassé le poignet alors qu'il descendait une colline. En plus il a plus de thune et il lui en faudrait. Ti Punch lui achète sa planche 70 $.
        [...]
        Octobre 2002, Ti Punch jette sa petite planche au milieu des grandes descendeuse dans le coffre de la voiture. Puis il monte à l'arrière et c'est parti. Sa première vraie descente ! C'est Jo, un des descendeurs les plus actifs de Metz qui l'a appelé pour lui proposer de participer à la sortie d'aujourd'hui. Arrivé en haut, Julien, l'un des membres du crew prend le volant pour redescendre la caisse en mode « voiture balai », les quatre autres se lancent sur la route. Ti Punch part en dernier. Le début de la descente est un pente plutôt douce, Ti Punch pompe à droite et à gauche, il prend de la vitesse et bat rapidement le record personnel de sa maigre expérience. Puis la pente s'accélère. Ti Punch atteint une telle vitesse qu'il se rend compte qu'il ne peut plus sauter de la planche sans se casser la gueule méchamment. Il zig-zague soigneusement pour ne pas trop accélérer. Son petit cœur bat la chamade, il se demande s'il va arriver en bas en un seul morceau. La vitesse augmente toujours... Tout à coup sa planche commence à se comporter d'une étrange manière. Une lente vibration de plus en plus forte de droite à gauche se fait sentir. Il essaye de la contenir dans ses chevilles mais elle s'amplifie de plus en plus. Il ne le sais pas mais, dans la voiture balai juste derrière, Julien, le conducteur, a déjà composé le numéro des urgences sur son téléphone et a le doigt sur la touche verte. Finalement, comme la vibration ne se calme pas, Ti Punch s'accroupit sur sa planche, la prend solidement en main de chaque coté et la stabilise ainsi. Pas moyen de zig-zaguer dans cette position, Ti punch prend la pente en ligne droite, accélérant à une incroyable vitesse. Toujours accroupi sur sa planche, il dépasse le descendeur parti avant lui. La vibration s'intensifie avec la vitesse, mais Ti Punch garde la planche bien en main.
        Arrivé en bas, sain et sauf, Julien sort de la voiture tout excité : « Il est ouf ! Il devrait être mort dix fois, il est rentre en wooble au début de la descente et au lieu de s'arrêter il a attrapé sa planche à deux mains et a tiré une droite dans la pente ! ». Ironie du sort : la descente suivante, c'est Ti Punch qui conduisait la voiture balai et c'est Julien qui a fini à l'hôpital.
        [...]
        Mars 2004, dans les couloirs de son école, Ti Punch est assis sur sa planche, il attend son tour devant un bureau de l'administration. Une voix l’interpelle : « Monsieur Boyer ! » Il lève les yeux. « Monsieur Lebienvenu ? » – « C'est une école respectable ici, M. Boyer, on ne s'assied pas dans les couloirs. Et je vous rappelle également qu'on y est tenu de s'habiller de façon décente. Notamment éviter les pantalons à trous et les planche à roulette. De mon temps, on vous aurait même fait couper vos cheveux, M. Boyer » – « C'est une chance qu'ils aient fait la Révolution depuis Monsieur » – « Grumph, en attendant, vous n'êtes pas sans savoir que l'attitude est prise en compte quand on décidera si vous devez ou non passer en année supérieure »
        [...]
        Aout 2004, Ti Punch pose sa planche et son sac dans le rack au dessus des sièges et s'assied à coté de la