Les contrebandiers de l'ombre
femme.
Est-ce cela qui te fait peur ? Crois-moi et fais-moi confiance. Je t'ai demandé une fois de me promettre que tu ne te détournerais jamais de moi, quoi que tu entendes et malgré tes doutes.
Aussi sûr que le soleil se lèvera demain matin, tu peux être assurée que je t'aimerai toujours !
Un peu plus tard, quand il la prit dans ses bras, elle ne lui résista plus. Et dans le feu de la passion, elle oublia de lui parler de l'ombre blanche des buissons. Ou simplement ne voulait-elle pas entendre la vérité ?
Vers le matin, un peu avant que la maison ne s'éveillât, Rhea descendit contempler le hall nettoyé et ciré, fleurant bon les épices et les bruyères. Elle s'arrêta devant le tableau de lady Elayne et de son enfant au regard encore innocent. Elle soupira en songeant à la tragédie qui s'était abattue sur ces deux êtres si longtemps après que ce tableau fut achevé.
— Mmm !... Vraiment une honte, ce qui s'est passé ! fit une voix triste et grincheuse derrière elle.
Rhea fit un bond de surprise.
— Kirby ! Vous m'avez flanqué une de ces frousses !
— Excusez-moi, milady. Je ne l'ai pas fait exprès... (Il portait un petit plateau avec un service à thé chinois.) Je vous ai préparé une tasse de thé.
Il attendit qu'elle fût assise pour la servir.
— Vous devez être sorcier, mon cher Kirby. Toujours en train de prévenir mes moindres désirs ! Il est excellent, le complimenta Rhea.
— J'ai remarqué que vous aimiez le thé, m'lady, répondit-il avec un sourire gêné.
— Vous auriez dû apporter une tasse pour vous-même, fit-elle aimablement.
Elle se demandait surtout quand Kirby finirait par admettre qu'il n'était plus un serviteur.
— Mais que penserait le capitaine s'il descendait et nous voyait boire le thé ainsi ?
— Il penserait : tiens, voilà deux amis buvant le thé ensemble, répliqua Rhea. (Elle changea brutalement de sujet :) Comment était-elle, Kirby ?
Elle montra le portrait du menton. Kirby soupira profondément.
— Ah, lady Elayne était une sainte, sûr. La plus gentille et la plus sage dame qu'il m'a été donné de rencontrer, excepté vous-même, m'lady... et, bien sûr, Mme votre mère. Elle adorait Dante et ne vivait que pour lui. Je suppose que c'était parce qu'elle n'était pas heureuse avec lord John. C était un original. Il s'occupait que de ses livres et de ses œuvres d'art. Il aimait les jolies choses comme ça. Il a même ramené des statues de ses grands voyages, des femmes à moitié nues et des hommes encore moins habillés...
— Une sorte de dilettante, en somme. On dirait qu'il ne voulait s'entourer que de beauté.
— Je crois bien que vous avez raison. Même parfois, lord John confondait sa femme avec ses statues. Il était toujours furieux contre Dante, qui était un gamin assez agité. Il craignait pour ses figurines. Tout ce que voulait ce garçon, c'était un peu d'affection de la part de lord John.
Et si vous voulez mon avis, lady Elayne était bien plus jolie que toutes ces statues de marbre sans leurs vêtements... Me faites beaucoup penser à elle, m'lady. (Kirby devint cramoisi.) Euh, m'lady, je ne voulais pas dire cela comme... euh...
— Allons, Kirby, je sais ce que vous vouliez dire, et je suis ravie d'être comparée à lady Elayne.
Kirby leva mélancoliquement la tête vers le portrait.
— Bon, je vais voir à faire lever votre femme de chambre. J'espère qu'elle a brossé votre habit de cheval. Je ferai en sorte que tout ça soit prêt à temps.
Kirby savait que lady Rhea était toujours trop bonne et trop indulgente avec, ces fainéants.
— Je ne crois pas que j'en aurai besoin aujourd'hui, l'informa-t-elle en replaçant sa tasse sur le plateau.
— Ah, mais, m’lady, l'arrêta Kirby alors qu'elle quittait le hall, le capitaine a dit que vous alliez à Westlea Abbot aujourd'hui.
Elle se retourna.
— C'est curieux. Dante ne m'en a pas parlé...
Kirby prit un air lamentable.
— Je crois bien qu'il devient distrait, m'lady. Beaucoup de soucis. Trop de problèmes lui trottent dans la tête. Un peu comme nous tous.
Westlea Abbot était un bourg plus grand et plus actif que le village de pêcheurs de Marleigh.
La baie était très calme, et les habitations se dispersaient en petits cottages sur les collines.
C'était aussi un lieu de passage plus fréquenté. Les cavaliers n'attirèrent donc pas autant l'attention. Ils traversèrent la ville sans encombre pour gagner une propriété de
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