Les contrebandiers de l'ombre
vois...
— Oh, il serait là, continua Handley, il rendrait notre travail plus facile.
— Ah?
— Oui, c'était une forte tête, d'après ce qu'on m'a dit. Pas recommandable du tout. Il a même été accusé de meurtre... Une jeune fille, je crois.
— Et quel est le rapport avec notre mission, lieutenant ? voulut savoir sir Morgan, avec une certaine cruauté.
Son antipathie pour le cavalier des dragons grandissait à chaque seconde, d'autant plus qu'il connaissait parfaitement la réponse de Handley.
— Ça serait un suspect tout trouvé, comme chef de la bande. Il a perdu son héritage en le jouant. Quel meilleur moyen que la contrebande pour se refaire une santé financière, hein ?
— On ne pend pas quelqu'un parce qu'il a mauvaise réputation, lieutenant Handley.
— Euh... Excusez-moi, sir. Bien sûr, vous avez raison, sursauta le lieutenant. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi nous devons aller traîner là-bas. Mes chevaux ont toujours peur quand j'y vais.
— Ah ? Vous avez eu beaucoup de motifs de vous promener au château, lieutenant ? demanda posément sir Morgan.
Lady Bess se promit de ne jamais parler à tort et à travers en présence du bon capitaine. Rien ne lui échappait. Le lieutenant Handley toussa nerveusement.
— Mon détachement a le devoir de patrouiller tout le long de la côte, sir. Sans exception.
Donc de passer par Merdraco. Il n'y a même pas une souris pour l'habiter, confia le lieutenant avec une grimace d'ennui, sachant qu'il allait passer pour fou. Je crois vraiment que cet endroit est hanté. Oui, vraiment... Il y a toujours des gens pour y voir des lumières clignoter.
Personne n'y monte plus...
— Quelle meilleure cache pour les contrebandiers, dans ce cas ?
— Difficile, pourtant, sir Morgan. Dragons Cove est un endroit terrible pour aborder, même pour un petit bâtiment.
Lady Bess observa avec plus d'attention le visage du capitaine.
— Lloyd ? Je savais bien que ce nom m'était familier.
— Vous connaissiez peut-être mon frère, Benjamin, fit le capitaine, dont le-visage s'allongeait. Dernier capitaine du H.M.S Hindrance, qui a sombré dans Dragons Cove, il y a moins de six mois...
— Mais bien sûr ! s'exclama lady Bess. (Pas étonnant qu'il ait obtenu ce commandement à terre et des pouvoirs spéciaux. Il devait certainement avoir une bonne réputation par ailleurs.) J'ai été très impressionnée par ce naufrage horrible. J'avais rencontré plusieurs fois votre frère.
— Merci... Bien, ce fut un plaisir, madame, dit sir Morgan, en hochant la tête avec le minimum de politesse décent. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, lieutenant.
— Je vous ai entendu parler de Wolfingwold Abbey ? demanda lady Bess.
Sir Morgan ne cacha pas son impatience. Lady Bess décida de garder son information pour elle.
— Oui?
Lady Bess eut un sourire d'excuse.
— Présentez mes amitiés à sir Miles, si vous le voyez...
Elle avait croisé sir Miles, la veille, sur la route de Londres. La porte refermée, lady Bess continua à sourire en pensant au long voyage que les deux officiers allaient entreprendre en vain. Il semblait même qu'il allait pleuvoir. Grandeur et servitude militaires.
Lady Bess passa la brosse dans les longs cheveux noirs de sa fille, d'un geste lent et solennel, puis elle sépara les mèches en trois parties pour les tresser.
— Maman?
— Mmm?
— Il y avait vraiment une lumière sur l'une des tours de Merdraco, l'autre nuit. Je l'ai vue.
— Mais non, fit-elle, absente, et sa voix se durcit soudain. Tu écoutes aux portes, maintenant?
Ne t'ai-je pas déjà prévenue ?
— Je venais voir si vous vouliez du thé, expliqua Anne sans perdre son sang-froid. C'est hanté, aussi.
— Bien sûr que non.
— Lady Elayne n'a-t-elle pas sauté des falaises près de là ? On dit que c'est elle qui se promène la nuit dans le château.
Lady Bess soupira. Elle ne se sentait pas dans les conditions idéales pour des histoires de fantômes.
— Elle est tombée, godiche.
— Les contrebandiers ne l'auraient pas poussée ?
— Il n'y avait pas de contrebandiers à 1’ époque, ni à Merdraco ni ici, murmura-t-elle.
Tout ce qu'il y avait eu de bon dans sa vie s'était passé quinze ans plus tôt. Anne Seacombe remarqua son soupir incontrôlé et regarda sa mère avec curiosité.
— C'était au même moment que le marquis a disparu, n'est-ce pas ?
— Oui, c'est cela.
— Il était aussi violent qu'on le dit ?
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