Les contrebandiers de l'ombre
le cœur battant la chamade.
— Je ne puis décevoir une dame, rétorqua-t-il en la couvrant de baisers avides.
— Dante ! objecta-t-elle avec un embarras grandissant, alors même qu'elle savourait la résistance des lèvres de son mari contre les siennes.
Son étreinte lui rappela encore une fois la sensation étrange et puissante, irrésistible, qui avait le pouvoir de lui faire tout oublier, tout sauf Dante.
Celui-ci interpréta cet abandon progressif à sa passion envahissante, et un sourire de satisfaction déforma ses lèvres en plein baiser. Il la souleva dans ses bras et l'emmena jusqu'au lit à baldaquin.
— Dante... et si quelqu'un venait nous chercher-
Mais le capitaine étouffa cette faible remontrance dans un assaut passionné. Quand il relâcha son étreinte, elle était sans le souffle.
— Oublie tout le monde. Rien ne peut plus venir entre nous, maintenant, promit-il en se mettant en devoir de le prouver séance tenante.
Chapitre 12
Seawick Manor, construit sur une hauteur dominant la mer, n’était pas à proprement parler une jolie maison, mais un certain charme émanait de ses murs de granit et de son toit de lauze.
Les vitres armoriées des fenêtres gothiques constituaient les seuls éléments de couleur vive.
Au sud-ouest, au-delà des écuries et des jardins, passé le parc mal entretenu et quelques légères collines, se trouvait le village de Marleigh.
Directement à l'ouest, derrière les bois plantés pour abriter Seawick Manor des vents dominants, s'élevaient les tours de Merdraco. Ces tours, bien que souvent perdues dans la brume, n'étaient jamais absentes des pensées de lady Bess Seacombe, qui habitait le manoir.
Lady Bess ne faisait que peu de cas du soleil couchant. Pour elle, la nuit allait tomber, une nuit sans lune, une nuit sans espoir. Tournant le dos à la fenêtre, le mauvais état des lourds rideaux de velours lie-de-vin l'irrita encore plus. En maugréant, elle les tira entre elle et le soleil semblable à une boule de cuivre incandescente.
Une nuit de compromis...
Son verre de sherry à peine versé et le carafon reposé sur son plateau, elle en avala le contenu d'un seul coup pour se remonter le moral.
— Mon Dieu, comment faire ? soupira-t-elle.
Ses mains couvertes de bijoux tremblaient furieusement.
— Je ne peux pas, se répondit-elle en tambourinant des doigts sur la table, dans un état paroxystique de nervosité. Cela serait de la folie ! (Elle jeta un regard mauvais vers le portrait, au-dessus de la cheminée.) Quel imbécile ! (Bien que mort depuis deux ans, l'homme du portrait avait encore le don infaillible de la mettre en rage.) Et moi, j'ai été encore plus stupide de t'épouser, Harry Seacombe ! Sir... Harry Seacombe ! gémit-elle. Mais qui savait, à cette époque, que tu étais endetté jusqu'au cou, un âne en affaires ! Les chevaux et les chiens, voilà tout ce qui t'intéressait ! Tu as bien su t'arranger pour m'épouser, hein ? Peux pas t'en vouloir pour ça, hein ? J'étais une déesse, dans ce temps !
En se regardant dans le grand miroir, elle se complut à penser qu'elle n'était pas trop mal encore pour son âge, après deux grossesses. Mais les couleurs avaient déserté son visage, elle était devenue trop maigre.
— Tu m'as bien eue, Harry. Non seulement tu étais fauché, mais comme amant, tu n'étais même pas à la hauteur. Pas comme...
Elle n'osa pas finir sa phrase. Cela faisait trop mal. Elle s'écarta du portrait et de son image dans le miroir, qui faisaient tous deux surgir les désagréables souvenirs du temps où elle avait fait la bourde de sa vie.
— Maman ? appela une jeune voix apeurée. Maman ? Où es-tu ?
La jeune fille n'en menait pas large.
— Ici, dans le salon, Anne ! répondit lady Bess à contrecœur.
— Que fais-tu là, dans l'obscurité ? demanda sa fille. Veux-tu que j'allume les chandelles ?
— Non, ça ne mérite pas la dépense.
— Veux-tu que j'appelle Janet, pour qu'elle allume le feu ? Il commence à faire frisquet après le coucher du soleil, dit la jeune Anne, rappelant involontairement à sa mère que l'obscurité s'étendait et que la marée allait monter.
— Non. Elle a bien assez à faire aux cuisines avec sa mère, et en plus, je ne veux pas donner l'impression que la maison est éveillée, fit lady Bess, plus à elle-même qu'à sa fille.
L'expression d'Anne se durcit : elle comprenait ce que voulait dire sa mère.
— J'avais oublié. C'est la nouvelle lune,
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