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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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qu'il n'y voyait aucun inconvénient, mais qu'à son avis le roi d'Angleterre lui-même n'accepterait jamais un tel arrangement et qu'il ne s'agissait là que d'une plaisanterie ou d'une ruse. Je lui demandai à trois reprises de confirmer son approbation, ce qu'il fit. Je revins donc chez al-Adel pour lui annoncer l'accord du sultan. Il s'empressa d'envoyer un messager vers le camp ennemi pour transmettre sa réponse. Mais le maudit Anglais lui fit dire que sa sœur était rentrée dans une colère terrible quand il lui avait soumis la proposition; elle avait juré que jamais elle ne se donnerait à un musulman!
    Comme l'avait deviné Saladin, Richard essayait de ruser. Il espérait que le sultan allait rejeter son plan en bloc, ce qui aurait fortement déplu à al-Adel. En acceptant, Saladin obligeait au contraire le monarque franc à dévoiler son double jeu. Depuis plusieurs mois, Richard s'efforçait en effet d'établir des rapports privilégiés avec al-Adel, l'appelant « mon frère », flattant son ambition pour tenter de l'utiliser contre Saladin. C'était de bonne guerre. Le sultan emploie, de son côté, des méthodes similaires. Parallèlement asses négociations avec Richard, il engage des pourparlers avec le maître de Tyr, al-Markich Conrad, qui entretient des rapports extrêmement tendus avec le monarque anglais, le soupçonnant de chercher à le priver de ses possessions. Il ira jusqu'à proposer à Saladin une alliance contre les .« Franj de la mer ». Sans prendre cette offre au pied de la lettre, le sultan l'utilise pour accentuer sa pression diplomatique sur Richard, à ce point exaspéré par la politique du marquis qu'il le fera assassiner quelques mois plus tard! 
    Sa manœuvre ayant échoué, le roi d'Angleterre demande a al-Adel d'organiser une entrevue avec Saladin. Mais la réponse de ce dernier est celle-là même qu'il avait faite quelques mois plus tôt :
Les rois ne se rencontrent qu'après la conclusion d'un accord. De toute manière, aioute-t-il, je ne comprends pas ta langue et tu ignores la mienne, et nous avons besoin d'un traducteur en qui nous ayons tous les deux confiance. Que cet homme soit donc un messager entre nous. Lorsque nous parviendrons à une entente, nous nous réunirons, et l'amitié régnera entre nous.
    Les négociations vont traîner un an encore. Retranché à Jérusalem, Saladin laisse passer le temps. Ses propositions de paix sont simples : chacun garde ce qu'il détient; que les Franj, s'ils le souhaitent, viennent sans armes effectuer leur pèlerinage dans la Ville sainte, mais celle-ci restera aux mains des musulmans. Richard, qui brûle de rentrer chez lui, essaie de forcer la décision en marchant par deux fois en direction de Jérusalem, sans toutefois l'attaquer. Afin de libérer son trop-plein d'énergie, il se lance, pendant des mois, dans la construction d'une formidable forteresse à Ascalon, dont il rêve de faire une base de départ pour une future expédition vers l'Egypte. Dès que l'ouvrage est terminé, Saladin exige qu'il soit démantelé, pierre par pierre, avant la conclusion de la paix. 
    En août 1192, Richard est à bout de nerfs. Gravement malade, abandonné par de nombreux chevaliers qui lui reprochent de n'avoir pas tenté de reprendre Jérusalem, accusé du meurtre de Comad, pressé par ses amis de regagner sans délai l’Angleterre, il ne peut plus retarder son départ. Il supplie presque Saladin de lui laisser Ascalon. Mais la réponse est négative. Alors il envoie un nouveau message, renouvelant sa demande et précisant que, si une paix convenable n'était pas signée dans les six jours, il serait obligé de passer l'hiver ici. Cet ultimatum voilé fait sourire Saladin qui, invitant le messager à s'asseoir, s'adresse à lui en ces termes : « Tu diras au roi qu'en ce qui concerne Ascalon je ne cédeiai pas. Quant à son projet de passer l'hiver dans ce pays, je pense que c'est inévitable, car, cette terre dont il s'est emparé, il sait qu'on la lui reprendra dès qu'il sera parti. Il est même possible qu'on la lui prenne sans qu'il parte. A-t-il vraiment envie de passer l'hiver ici, à deux mois de distance de sa famille et de son pays, alors qu'il est dans la force de l'âge et qu'il peut profiter des plaisirs de la vie? Pour ma part, je pourrais passer ici l'hiver, puis l'été, puis un autre hiver et un autre été, car je suis dans mon pays, parmi mes enfants et mes proches, qui sont à mes soins, et j'ai une armée

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