Les croisades vues par les arabes
malgré son affaiblissement, le protecteur attitré des chiites du monde arabe.
Détestés et persécutés par tous les musulmans, les Assassins ne sont pas mécontents, en conséquence, de voir arriver une armée chrétienne qui inflige défaite sur défaite aussi bien aux Seldjoukides qu'à al-Afdal, meurtrier de Nizar. Il ne fait aucun doute que l'attitude exagérément conciliante de Redwan à l'égard des Occidentaux était due, en bonne partie, aux conseils des « batinis ».
Aux yeux d’Ibn al-Khachab, la connivence entre les Assassins et les Franj équivaut à une trahison. Il agit en conséquence. Lors des massacres qui suivent la mort de Redwan, fin 1113, les batinis sont traqués de rue en rue, de maison en maison. Certains sont lynchés par la foule, d'autres sont précipités du haut des murailles. Près de deux cents membres de la secte périssent ainsi, dont Abou-Taher, l’orfèvre. Toutefois, indique Ibn al-Qalanissi, plusieurs parvinrent à s'enfuir et se réfugièrent chez les Franj ou se dispersèrent dans le pays .
Ibn al-Khachab a eu beau arracher aux Assassins leur principal bastion en Syrie, leur étonnante carrière n'en est encore qu'à ses débuts. Tirant les leçons de son échec, la secte change de tactique. Le nouvel envoyé de Hassan en Syrie, un propagandiste perse du nom de Bahram, décide de suspendre provisoirement toute action spectaculaire et de revenir à un travail minutieux et discret d'organisation et d'infiltration.
Bahram, raconte le chroniqueur de Damas, vivait dans le plus grand secret et la plus grande retraite, changeait d'accoutrement et de vêtements, si bien qu'il circulait dans les villes et les places fortes sans que personne soupçonne son identité.
Au bout de quelques années, il dispose d'un réseau suffisamment puissant pour songer à sortir de la clandestinité. Bien à propos il trouve un excellent protecteur en remplacement de Redwan.
Un jour, dit Ibn aI-Oalanissi, Bahram arriva à Damas, où l’atabek Toghtekin le reçut très bien, par précaution contre sa malfaisance et celle de sa bande. On lui témoigna des égards et on lui assura une vigilante protection. Le second personnage de la métropole syrienne, le vizir Tahir al-Maz-daghani, s’entendit avec Bahram, bien qu'il n'appartînt pas à sa secte, et l'aida à jeter de tous côtés les lacets de sa malfaisance.
De fait, en dépit du décès de Hassan as-Sabbah dans son repaire d'Alamout en 1124, l'activité des Assassins connaît une forte recrudescence. Le meurtre d'Ibn al-Khachab n'est pas un acte isolé. Un an plus tôt, un autre « résistant enturbanné » de la première heure tombait sous leurs coups. Tous les chroniqueurs relatent son assassinat avec solennité, car l'homme qui avait conduit en août 1099 la première manifestation de colère contre l'invasion franque était devenu depuis l'une des plus hautes autorités religieuses du monde musulman. On annonça de l'Irak que le cadi des cadis de Baghdad, splendeur de l'islam, Abou-Saad al-Harawi, avait été attaqué par des batinis dans la grande mosquée de Hamadhan. Ils le tuèrent à coups de poignard, puis ils s'enfuirent sur-le-champ, sans laisser d'indice ou de trace, et sans que personne les poursuivît tant on avait peur d'eux. Le crime provoqua une vive indignation à Damas, où al-Harawi a vécu de longues années. Dans les milieux religieux surtout, l'activité des Assassins suscita une hostilité croissante. Les meilleurs parmi les croyants avaient le cœur serré, mais ils s'abstenaient de parler, car les batinis avaient commencé à tuer ceux qui leur résistaient et à soutenir ceux qui les approuvaient dans leurs égarements. Personne n'osait plus les blâmer en public, ni émir; ni vizir, ni sultan!
Cette terreur est justifiée. Le 26 novembre 1126, al-Borsoki, le puissant maître d'Alep et de Mossoul, subit à son tour la terrible vengeance des Assassins.
Et pourtant, s'étonne Ibn al-Oalanissi, l'émir se tenait sur ses gardes. Il portait une cotte de mailles où ne pouvaient pénétrer la pointe du sabre ni la lame du poignard et s'entourait de soldats armés jusqu'aux dents. Mais le destin qui s'accomplit ne peut être évité. Al-Borsoki s'était rendu comme d'habitude à la grande mosquée de Mossoul pour remplir son obligation du vendredi. Les scélérats étaient là, vêtus à la manière des soufis, en train de prier dans un coin sans éveiller les soupçons. Soudain, ils bondirent sur lui et lui
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