Les croisades vues par les arabes
des-quelles il s'empare du port de Jaffa. Il en sera chassé quelques semaines plus tard.
En décembre 1132, pendant que Foulque rassemble ses forces pour réoccuper Jaffa, le nouveau maître de Damas, le jeune atabek Ismaël, fils de Bouri, vient s'emparer par surprise de la forteresse de Banias, que les Assassins avaient livrée aux Franj trois ans plus tôt. Mais cette reconquête n'est qu'un acte isolé. Car les princes musulmans, absorbés par leurs propres querelles, sont incapables de profiter des dissensions qui agitent les Occidentaux. Zinki lui-même est pratiquement invisible en Syrie. Laissant le gouvernement d’Alep à l'un de ses lieutenants, il a dû à nouveau s'engager dans une lutte sans merci contre le calife. Mais, cette fois, c'est al-Moustarchid qui semble avoir le dessus.
Le sultan Mahmoud, allié de Zinki, vient de mourir à l'âge de vingt-six ans, et c'est, une fois encore, une nouvelle guerre de succession qui éclate au sein du clan seldjoukide. Le prince des croyants en profite pour relever la tête. Promettant à chaque prétendant de faire la prière dans les mosquées en son nom, il devient le véritable arbitre de la situation. Zinki s'alarme. Rassemblant ses troupes, il marche sur Baghdad avec l'intention d'infliger à al-Moustarchid une défaite aussi cuisante que lors de leur premier affrontement cinq ans plus tôt. Mais le calife vient le rencontrer à la tête de plusieurs milliers d'hommes, près de la ville de Tikrit, sur le Tigre, au nord de la capitale abbasside. Les troupes de Zinki sont taillées en pièces et l'atabek est lui-même sur le point de tomber aux mains de ses ennemis lorsqu'un homme intervient au moment critique pour lui sauver la vie. C'est le gouvemeur de Tikrit, un jeune officier kurde au nom alors obscur, Ayyoub. Au lieu de gagner les faveurs du calife en lui livrant son adversaire, ce militaire aide l'atabek à traverser le fleuve pour échapper à ses poursuivants et regagner Mossoul à la hâte. Zinki n'oubliera jamais ce geste chevaleresque. Il lui vouera, ainsi qu'à sa famille, une amitié indéfectible, qui va déterminer, bien des années après, la carrière du fils d'Ayyoub, Youssef, plus connu sous le sumom de Salaheddin, ou Saladin.
Après sa victoire sur Zinki, al-Moustarchid est au faîte de sa gloire. Se sentant menacés, les Turcs font leur unité autour d'un seul prétendant seldjoukide, Massoud, frère de Mahmoud. En janvier 1133, le nouveau sultan se présente à Baghdad pour obtenir sa couronne de la main du prince des croyants. C'est, en général, une simple formalité, mais al-Moustarchid, à sa manière, transforme la cérémonie. Ibn al-Qalanissi, notre « journaliste » de l'époque, raconte la scène.
L'imam, prince des croyants, était assis. On introduisit en sa présence le sultan Massoud qui lui rendit les hommages dus à son rang. Le calife lui offrit successivement sept robes d'apparat, dont la dernière était noire, une couronne incrustée de pierreries, des bracelets et un collier d'or en lui disant : « Reçois cette faveur avec gratitude et crains Dieu en public et en privé. » Le sultan baisa le sol, puis il s'assit sur le tabouret prévu pour lui. Le prince des croyants lui dit alors : « Celui qui ne se conduit pas bien lui-même n'est pas apte a diriger les autres. » Le vizir, qui était présent, répéta ces paroles en persan et renouvela vœux et louanges. Ensuite le calife fit apporter deux sabres et les remit solennellement au sultan, ainsi que deux fanions qu'il noua de sa propre main. A la fin de l'entretien, l'imam al-Moustarehid conclut par ces mots : « Va, emporte ce que je t'ai donné et sois au nombre des gens reconnaissants. »
Le souverain abbasside a affiché une belle assurance, même s'il nous appartient, bien entendu, de faire la part des apparences. Il a sermonné le Turc avec désinvolture, sûr que l'unité retrouvée des Seldjoukides ne peut, à terme, que menacer sa puissance naissante, mais il ne l'a pas moins reconnu comme détenteur légitime du sultanat. En 1133, toutefois, il continue de rêver .de conquête. En juin, il part à la tête de ses troupes en direction de Mossoul, bien décidé à s'en emparer et à en finir par la même occasion avec Zinki. Le sultan Massoud ne cherche pas à l'en dissuader. Il lui suggère même de réunir la Syrie et l'Irak en un seul Etat sous son autorité, une idée qui sera souvent reprise dans l'avenir. Mais, tout en faisant ces
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