Les croisades vues par les arabes
. Mais l'étonnement du chroniqueur n'est rien en comparaison de celui qu'éprouve Zinki le jour où il reçoit un message d’Alix, la fille de Baudouin II, roi de Jérusalem, lui proposant une alliance contre son propre père!
Cette étrange affaire commence en février 1130 lorsque le prince Bohémond II, d’Antioche, parti guerroyer dans le Nord, tombe dans une embuscade tendue par Ghazi, le fils de l'émir Danishmend qui avait capturé Bohémond Ier trente ans plus tôt. Moins chanceux que son père, Bohémond Il est tué au combat, et sa tête blonde, soigneusement embaumée et enfermée dans une boîte d'argent, est envoyée en cadeau au calife. Quand la nouvelle de sa mort atteint Antioche, sa veuve Alix organise-un véritable coup d'Etat. Avec, semble-t-il, le soutien de la population arménienne, grecque et syrienne d’Antioche, elle s'assure le contrôle de la ville et se met en contact avec Zinki. Curieuse attitude qui annonce la naissance d'une nouvelle génération de Franj, la deuxième, qui n'a plus grand-chose en commun avec les pionniers de l'invasion. De mère armé nienne, n'ayant jamais connu l'Europe, la jeune prin cesse se sent orientale et agit en tant que telle.
Informé de la rébellion de sa fille, le roi de Jérusalem marche immédiatement vers le nord à la tête de son armée. Peu avant d'atteindre Antioche, il rencontre par hasard un chevalier à l'aspect éblouissant, dont le coursier, d'un blanc immaculé, est ferré d'argent et bardé. de la crinière au poitrail, d'une superbe armure ciselée. C'est un cadeau d'Alix à Zinki, accompagné d'une lettre où la princesse demande à l'atabek de venir à son secours et lui promet de reconnaître sa suzeraineté. Après avoir fait pendre le messager, Baudouin poursuit sa route vers Antioche qu'il reprend rapidement en main. Alix capitule, après une résistance symbolique dans la Citadelle. Son père l'exile au port de Lattaquieh.
Mais, peu après, en août 1131, le roi de Jérusalem meurt. Signe des temps, il a droit à un éloge funèbre en bonne et due forme de la part du chroniqueur de Damas. Les Franj ne sont plus, comme aux premiers temps de l'invasion, une masse informe où l'on distingue à peine quelques chefs. La chronique d'Ibn al-Qala-nissi s'intéresse désormais aux détails et ébauche même une analyse.
Baudouin, écrit-il, était un vieillard que le temps et les malheurs avaient poli. Plusieurs fois, il tomba aux mains des musulmans et leur échappa grâce a des ruses fameuses. Avec sa disparition, les Franj ont perdu leur politique le plus avisé et leur administrateur le plus compétent. Le pouvoir royal échut-après lui au comte d'Anjou, récemment arrivé de leur pays par voie de mer. Mais celui-ci n'était pas sûr dans son jugement ni efficace dans son administration, si bien que la perte de Baudouin plongea les Franj dans le trouble et le désordre.
Le troisième roi de Jérusalem, Foulque d'Anjou, un quinquagénaire roux et trapu qui a épousé Mélisande, la sœur aînée d'Alix, est effectivement un nouveau venu. Car Baudouin, comme la grande majorité des princes francs, n'a pas eu d'héritier mâle. En raison de leur hygiène plus que primitive, ainsi que de leur manque d'adaptation aux conditions de vie de l'Orient, les Occidentaux connaissent un taux extrêmement élevé de mortalité infantile qui touche en premier lieu les garçons. Ce n'est qu'avec le temps qu'ils apprendront à améliorer leur situation en utilisant régulièrement le hammam, en recourant davantage aux services des médecins arabes.
Ibn al-Qalanissi n'a pas tort de mépriser les capacités politiques de l'héritier venu de l'Ouest, car c'est sous le règne de ce Foulque que la « discorde parmi les Franj » va être la plus forte. Dès son accession au pouvoir, il doit faire face à une nouvelle insurrection menée par Alix, qui ne sera réprimée qu'avec difficulté. Puis c'est en Palestine même que la révolte gronde. Une rumeur persistante accuse sa femme, la reine Mélisande, d'entretenir une liaison amoureuse avec un jeune chevalier, Hughes du Puiset. Cette affaire, entre les partisans du mari et ceux de l'amant, opère une véritable division de la noblesse franque qui ne vit plus que d'altercations, de duels, de rumeurs d'assassinat. Se sentant menacé, Hughes va trouver refuge à Ascalon auprès des Egyptiens, qui l'accueillent d'ailleurs chaleureusement. On lui confie même des troupes fatimides avec l'aide
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