Les croisades vues par les arabes
par al-Moustarchid, qui lui conseille souvent de retourner en Perse. C'est bel et bien une révolte des Arabes contre les Turcs, ces militaires étrangers qui les dominent depuis si longtemps. Incapable de faire face à cette fronde, le sultan a fait appel à Zinki, alors gouverneur du riche port de Bassora, au fond du golfe. Son intervention est décisive : battues près de Baghdad, les troupes du calife rendent leurs armes et le prince des croyants s'enferme dans son palais en attendant des jours meilleurs. Pour récompenser Zinki de son aide précieuse, le sultan lui confie, quelques mois plus tard, le gouvernement de Mossoul et d'Alep. On aurait certes pu imaginer des faits d'armes plus glorieux pour ce futur héros de l'islam. Mais ce n'est pas à tort que Zi
ki sera célébré un jour comme le premier grand combattant du jihad contre les Franj. Avant lui, les généraux turcs arrivaient en Syrie accompagnés de troupes impatientes de piller et de repartir avec solde et butin. Et l'effet de leurs victoires se trouvait rapidement annulé par la défaite suivante. On démobilisait les troupes pour les remobiliser l'année d'après. Avec Zinki, les mœurs changent. Pendant dix-huit ans, ce guerrier infatigable va parcourir la Syrie et l'Irak, dormant sur la paille pour se protéger de la boue, combattant les uns, pactisant avec les autres, intriguant contre tous. Jamais il ne songe à résider paisiblement dans un des nombreux palais de son vaste fief.
Son entourage se compose, non decourtisanes et de flatteurs, mais de conseillers politiques expérimentés qu'il sait écouter. Il dispose d'un réseau d’informateurs qui le tiennent constamment au courant de ce qui se trame à Baghdad, Ispahan. Damas, Antioche, Jérusalem, comme chez lui, à Alep et Mossoul. Contrairement aux autres armées qui ont eu à combattre les Franj, la sienne n'est pas commandée par une multitude d'émirs autonomes, toujours prêts à trahir ou à se quereller. La discipline y est stricte, et à la moindre incartade le châtiment est impitoyable. Selon Kamaleddin, les soldats de l'atabek avaient l'air de marcher entre deux cordes pour ne pas mettre le pied dans un champ cultivé . Une fois, racontera de son côté Ibn al-Athir, l'un des émirs de Zinki, ayant reçu en fief une petite ville, s'était installé dans la demeure d'un riche commerçant juif. Celui-ci demanda à voir l'atabek et lui exposa son cas. Zinki lança un seul regard à l'émir qui évacua immédiatement la maison . Le maître d’Alep est d'ailleurs aussi exigeant pour lui-même que pour les autres. Quand il arrive dans une ville, il dort à l'extérieur des murs, sous sa tente. méprisant tous les palais mis à sa disposition.
Zinki était en Outre, d'après l'historien de Mossoul. fort soucieux de l'honneur des femmes, surtout des épouses des soldats. Il disait que, si elles n'étaient pas bien gardées, elles se corrompraient vite en raison des longues absences de leurs maris pendant les campagnes.
Rigueur, persévérance, sens de l'Etat, autant de qualités dont était pourvu Zinki et qui manquaient dramatiquement aux dirigeants du monde arabe. Plus important encore au regard de l'avenir : Zinki avait un grand souci de légitimité. Dès son arrivée à Alep, il prend trois initiatives, trois gestes symboliques. Le premier est désormais classique : épouser la fille du roi Redwan, déjà veuve d'Ilghazi et de Balak; le second : transférer les restes de son père dans la ville pour témoigner de l'enracinement de sa famille dans ce fief; le troisième : obtenir du sultan Mahmoud un document officiel conférant à l’atabek une autorité indiscutée sur l'ensemble de la Syrie et le nord de l’Irak. Par là, Zinki indique clairement qu'il n’est pas un simple aventurier de passage mais bien le fondateur d'un Etat appelé à durer après sa mort. Cet élément de cohésion, qu'il introduit dans le monde arabe, ne produira cependant son effet qu'au bout de plusieurs années. Longtemps encore, les querelles intestines paralyseront les princes musulmans, et l’atabek lui-même.
Pourtant. le moment semble propice d'organiser une vaste contre-offensive, car la belle solidarité qui a fait jusqu'ici la force des Occidentaux paraît sérieusement remise en cause. On dit que la discorde est née parmi les Franj, chose inaccoutumée de leur part, Ibn al-Qalanissi n'en revient pas. On affirme même qu'ils se sont battus entre eux et qu'il y a eu plusieurs morts
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