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Les Dames du Graal

Les Dames du Graal

Titel: Les Dames du Graal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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dit Gwendydd, et aussi un certain Thelgeninus qui n’est autre que le barde gallois Taliesin ; dans les récits inspirés de Robert de Boron, c’est l’ermite Blaise, au nom significatif qui se réfère au mot breton et gallois désignant le loup, lequel écrit, sous sa dictée, des aventures merveilleuses dont il a été le témoin ; dans la version dite de Gautier Map, ses deux disciples sont Viviane, mais également Morgane. C’est tout. Le pseudo-Wauchier est le seul à signaler cette existence d’une fille de Merlin.
    Est-ce à dire que cet auteur anonyme a inventé cette histoire afin de « faire bien dans le décor » et d’ajouter du piquant à la quête acharnée de Perceval vers le Château du Graal ? On serait tenté de le croire s’il n’y avait pas, dans le schéma du récit, de nombreux détails qui sentent une tradition populaire orale recueillie par le pseudo-Wauchier, tradition aujourd’hui perdue. C’est d’abord la prophétie à propos d’Arthur à la cour du roi Uther Pendragon, qui rattache cet épisode à l’ensemble du cycle. C’est ensuite l’indication de la « retraite » de Merlin dans son ermitage pendant laquelle il réfléchit : dans tous les textes concernant Merlin, le prophète-enchanteur se retire dans son domaine pour y capter les indications venues d’ailleurs, ce qui lui permet d’agir en fonction des circonstances et de découvrir les grandes lignes du futur. C’est enfin cette fameuse Colonne de Cuivre, au demeurant fort intrigante et qui excite tant la curiosité de Perceval.
    On finit par avoir quelques lueurs sur elle, mais au travers de notions complexes qui relèvent autant des sciences secrètes que de la mythologie celtique. La Demoiselle de la Cime continue son histoire : « Merlin commença son travail. Par magie et enchantements, il éleva la Colonne de Cuivre et les croix qui l’entourent. Puis il leur jeta un sort. » Nous voilà avertis : il s’agit d’un lieu magique, ce qui sous-entend une sorte de sanctuaire où affluent des forces invisibles prêtes à se mettre en mouvement. Mais on reste sur sa faim : il est facile d’expliquer tout par l’utilisation des forces occultes. C’est sans doute ce qui a déterminé le pseudo-Wauchier à en dire davantage, bien que ce soit sous forme de lieux communs, si fréquents dans les contes féeriques, en un langage sibyllin qu’il convient de décrypter.
    La Demoiselle de la Cime raconte en effet qu’ayant terminé son travail, Merlin revint auprès du roi Uther et lui rendit compte de sa mission, à savoir « qu’il avait découvert une colonne de cuivre où nul ne pouvait attacher son cheval s’il n’était le meilleur chevalier du royaume ». Certes, une telle formulation paraît incohérente, mais elle est justifiée par le fait que la demande primitive du roi Uther était un moyen de savoir qui était à égalité avec le meilleur chevalier du monde . Et la fille de Merlin poursuit son récit : « Le roi fit subir l’épreuve à ses compagnons, mais plusieurs chevaliers de haut rang y perdirent la vie. » C’est en somme une épreuve initiatique dont on ne sort que vainqueur ou mort, sans autre solution. Mais c’est aussi, sur un plan à la fois biologique et sociologique, l’affirmation qu’il existe une sélection naturelle : seuls survivent ceux qui en ont la force et les moyens, ceux qui résistent aux dures épreuves de la vie. Et ce sont ceux-là qui sont capables de dominer le monde. La réflexion risque d’inquiéter, parce qu’elle semble donner raison aux partisans les plus exaltés – et les plus déments – de l’idéologie raciste, de la purification ethnique, de l’élimination des bouches inutiles, à la mode spartiate ou même nazie, et finalement de la loi du plus fort . S’arrêter à cette dimension serait une erreur : il ne s’agit pas ici de la force physique, nécessairement aveugle, mais de puissance intellectuelle et spirituelle, laquelle s’acquiert, d’épreuve en épreuve, jusqu’au point de non-retour. L’héroïsme est un éternel dépassement, qu’il soit physique, intellectuel ou spirituel.
    Ensuite vient une demi-explication : « La coutume veut que tout chevalier, fût-il vainqueur aux joutes ou à la guerre, qui se mêle d’attacher son cheval à l’anneau fixé sur la colonne, disparaît s’il n’est le meilleur chevalier de tout le royaume, et nul ne sait ce qu’il devient , car la magie de mon père est plus

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