Les Dames du Graal
puissante que toutes les magies du monde, et l’épreuve de la Colonne de Cuivre la plus redoutable qu’on puisse tenter. Bien peu s’y risquent, mais ceux qui ont l’audace de prétendre attacher leur cheval à l’anneau sont anéantis, ainsi que leur monture, sans qu’on sache rien de leur sort » (trad. J. Markale). Et la fille de Merlin termine en disant que le roi Arthur et ses compagnons sont venus très souvent auprès de la Colonne de Cuivre, mais qu’aucun des chevaliers n’a osé tenter d’y attacher son cheval.
Tout cela mérite quelques commentaires. Tout d’abord, il convient de prendre en compte la période de réflexion de Merlin qui, tout en étant devin, demande un délai pour savoir ce qu’il est nécessaire d’accomplir pour filtrer les chevaliers qui se prétendent les meilleurs du royaume – ou du monde. Ce filtrage est d’ailleurs redoutable, car il élimine définitivement ceux qui sont incapables de passer l’épreuve. Ce thème est identique à celui du Siège Périlleux : on sait en effet qu’à la Table Ronde, instituée par Merlin et le roi Uther Pendragon, et pérennisée ensuite par Arthur, il y a un siège qui doit rester inoccupé tant que ne viendra pas le « Bon Chevalier », celui qui mettra un terme aux aventures du Graal. Et tous les imprudents présomptueux qui s’y risquent sans une profonde motivation intérieure sont rejetés : mieux, ils sont foudroyés ou engloutis dans les profondeurs de la terre. On ne triche pas avec le Destin. Donc Merlin doit choisir le meilleur moyen d’écarter les indésirables, ceux qui pourraient compromettre l’harmonie de cette société idéale que constitue le compagnonnage de la Table Ronde.
Ensuite, il y a le lieu de l’épreuve. Merlin ne le trouve pas d’emblée. Et il se fait aider par une femme, une devineresse en qui il a mis sa confiance et avec laquelle il engage une liaison fructueuse , autrement dit une liaison qui, contrairement à celle de Tristan et Yseult, mais parallèlement à celle de Lancelot et de la Porteuse de Graal, débouche sur un prolongement bénéfique pour l’humanité tout entière. Car ce n’est pas n’importe où qu’on peut établir un sanctuaire, c’est-à-dire le point de contact entre le visible et l’invisible, entre la terre et le ciel. Ce faisant, dans sa recherche du lieu, Merlin se conforme à l’antique tradition qui enseignait qu’on ne bâtit un temple, ou qu’on ne circonscrit un nemeton – la clairière sacrée où officiaient les druides –, qu’en un endroit où la communication entre les divers mondes est possible. On sait très bien que les églises chrétiennes ont été érigées sur des emplacements déjà reconnus et utilisés par les prêtres des religions pré-chrétiennes, religion mégalithique et religion druidique notamment.
Le lieu où Merlin construit – par magie, comme à Stonehenge, selon la tradition insulaire – cette Colonne de Cuivre se situe au sommet d’une colline, d’un mont , comme dit le texte médiéval. On remarquera que c’est l’emplacement privilégié des monuments mégalithiques, dolmens ou menhirs, et que la Colonne de Cuivre évoque irrésistiblement l’image d’un menhir dressé vers le ciel, mais plongeant ses racines dans la terre. On sait que les menhirs ont été érigés, à l’époque néolithique, sur des nœuds de ce qu’en géobiologie on appelle des réseaux Hartmann, c’est-à-dire à la rencontre de certains courants d’eaux souterrains et de certains courants d’énergie tellurique. Il est évident que les hommes de la Préhistoire n’avaient pas une vue scientifique de la chose, mais leur connaissance en ce domaine n’en était pas moins réelle, résultant d’observations réparties sur de nombreuses générations et vérifiées par l’expérience. Une hypothèse veut d’ailleurs que les menhirs, notamment sur certains terrains granitiques riches en radioactivité, remplissent la même fonction sur le sol terrestre qu’une aiguille d’acupuncture sur le corps humain. Ils aideraient ainsi à libérer un trop plein de magnétisme ou de radioactivité en établissant un contact entre l’énergie souterraine et les rayons cosmiques. Et quoi qu’il en soit, la Colonne de Cuivre, tel un menhir, a été placée par Merlin à un endroit que l’enchanteur sentait le plus propice pour être en contact avec le monde subtil, qui n’est pas forcément surnaturel, mais encore incompréhensible
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