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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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notre G. A. I. à leur droite. Ce sont des éléments avancés. Il est impossible qu’on ne les coupe pas, et nous leur barboterons dans l’affaire leurs meilleurs blindés.
    Un moment plus tard, nos visiteurs partis, le capitaine L. T… concluait :
    — C’est évident. C’est la même chose depuis huit jours. On s’effraye parce qu’ils font de la cavalerie avec leurs tanks.
    Je n’y tenais plus :
    — Pardon, mon capitaine, permettez-moi… Il me semble qu’une Panzerdivision possède de quoi se suffire toute seule. En plus de tous ses chars, elle a bien, n’est-ce pas ? une brigade d’infanterie, un régiment d’artillerie, un bataillon de pionniers, un bataillon de transmission, un bataillon antichars, avec trente-six pièces, je crois.
    Je ne soupçonnais point que je pusse faire au capitaine L. T… une révélation considérable. Pourtant, il écarquillait les yeux, stupéfait et incrédule.
    — Où avez-vous donc pris ça ?
    — Mais… tout simplement dans Le Temps, au mois d’octobre dernier, mon capitaine.
    — Ah ! dans Le Temps   ? oui, évidemment.
    Mais un breveté du S. R. ne pouvait rester court devant un deuxième bibi.
    — D’ailleurs, reprit-il d’un ton détaché, c’est tout à fait secondaire. Leurs divisions blindées peuvent bien être solides, jamais les gros d’infanterie ne suivront. Alors, du terrain que l’on n’occupe pas, pour ce que ça compte…
    Mais quand je sortis au soir, les Parisiens stupéfiés plongeaient dans les aveux de Reynaud au Sénat, humant à chaque ligne, sous les rodomontades, l’odeur de la panique. Ils n’avaient pas encore été capables, par un léger effort de raison, d’apercevoir l’étendue du désastre. Ils la découvraient brutalement, par la voix du gredin considéré qui restait encore fort en dessous de la vérité. Le nom du général Corap, qu’on leur livrait en pâture, était trop inconnu pour les soulager.
    « Pour moi, proclamait Reynaud, si l’on venait me dire un jour que seul un miracle peut sauver la France, ce jour-là je dirais : « Je crois au miracle parce que je crois en la France. »
    Dans une telle bouche, quel cri de détresse !
    * * *
    Je décidai d’aller sonner chez mon ami Dominique Sordet. Avec lui seul, je pourrais faire le point. Je trouvai dans son salon Claude Jeantet et l’un de ses camarades en uniforme, Charles Boursat, un jeune médecin à un galon que je ne connaissais pas encore.
    — Eh bien, Sordet, l’armée de Belgique est coupée. On peut dire que c’est un joli résultat. Mais Reynaud n’en n’a pas parlé.
    — Non, mais écoutez le docteur Boursat, il est très instructif.
    Le docteur, très calme, fort simplement, racontait l’odyssée qu’il venait de vivre. Le 10 mai au matin, il achevait une permission de détente. Il avait aussitôt essayé de rejoindre son bataillon à la frontière belge. Dès la zone des armées, la pagaïe régnait, universelle, à tous les échelons. Les gares régulatrices avaient été saccagées par les avions, les trois quarts des convois immobilisés ou aiguillés au hasard. Après trois jours passés à errer parmi les embouteillages, les voyageurs s’étaient trouvés au milieu d’une cohue d’hommes mélangés aux civils, fuyant le feu en tous sens, fantassins, sapeurs, artilleurs, gens innombrables des services, aviateurs et même marins, ahuris par les bombes et les contrordres, ayant perdu leurs chefs, échappant à tout contrôle, à toute velléité de regroupement, interdisant par leur reflux l’arrivée du moindre renfort. Pas un seul soldat du convoi de Boursat n’avait pu retrouver son corps, recueilli même le plus petit indice sur le sort ou l’itinéraire de sa division. En désespoir de cause, on avait repris des trains, on s’était retrouvé à vingt kilomètres de Paris, au fameux triage de Massy-Palaiseau. Pendant trois autres jours, on avait fait le tour de la grande banlieue, de gare en gare, pour revenir à Massy-Palaiseau. Il y grouillait dans une espèce de camp plus de dix mille permissionnaires égarés. Une antique baderne aux manches étoilées s’était mise en tête de constituer une division avec ce troupeau hétéroclite, et vociférait des harangues où il était question de Roncevaux et de la Marne ; on avait commencé à faire des appels par armes, par spécialités. On ne trouvait pas un mitrailleur, mais cent cinquante cordonniers… Il avait fallu qu’un officier de

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