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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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bien que les loges ne tarderaient pas à renverser la vapeur. Cette fois, Chautemps ne suffisait plus. On nous ramenait un Daladier repentant, annoncé à grand son de trompettes jacobines, salué par les orphéons des bourgeois enfin rassurés sur le sort de leurs titres et de leurs lingots d’or, regrettant déjà les secours qu’ils avaient consentis aux caisses de la droite.
    Nous connaissions cette musique. Nous n’allions pas pour autant nous laisser distraire dans nos besognes. Nous pratiquions peu à Je Suis Partout la division du travail. Dans « l’équipe de base », chacun aurait été capable de faire tout seul à tour de rôle le journal entier, depuis l’éditorial jusqu’à la chronique cinématographique. Mais je m’étais plus spécialement attribué la rubrique de l’antijudaïsme. J’avais ainsi rédigé et composé au début du printemps 1938 un numéro spécial sur les Juifs dans le monde, d’une très grande modération de ton. Je jugeais plutôt malfaisants les petits professionnels de l’antisémitisme, ignares et étourdis, hurlant des insultes mononotes ou découvrant le sang juif du roi d’Angleterre. Je me souciais fort peu de l’authenticité ou de la fausseté des Protocoles de Sion. Il était plus que largement suffisant de s’en tenir aux faits et aux écrits irréfutables pour instruire le procès des Juifs. Sous leur dictée, la presse des deux mondes pleurait leurs malheurs. Je me contentais de dresser l’autre bilan, celui de leurs escroqueries, de leur corruption, de leurs sabotages, de leurs destructions, de leurs assassinats. De fait, mon numéro fut entouré de ce silence absolu qui prouvait alors que l’on avait visé juste, que les Juifs n’osaient pas s’engager dans un écrasant débat. Sans une ligne de publicité, sans un seul écho de nos bons confrères nationaux, hormis l ’Action Française , ce numéro s’était fort bien vendu. J’enrageais que nous ne pussions pas, faute d’un ou deux de ces chèques gaspillés dans tant d’entreprises imbéciles de la droite, le tirer à un million d’exemplaires. Que nous étions donc dépourvus devant les formidables moyens qui permettaient aux Juifs d’enterrer dans des sépulcres de silence et de cacher à des peuples entiers la vérité de leur histoire !
    Grâce à mon cher et vieil ami René Gontier qui préparait sur le sujet un livre nourri et attrayant, promis bien entendu à un boycottage impitoyable, je m’étais initié honnêtement au racisme selon Günther et Rosenberg. J’y démêlais sans peine l’excès des démonstrations scientifiques et la rigidité systématique, d’une défense fort naturelle du sang blanc. Pour le reste, la raciologie proposait un classement très plausible des hommes en espèces zoologiques. Comme de toutes les sciences, il fallait en retenir les observations contrôlables et en rejeter les constructions hasardeuses.
    * * *
    Les bonnes langues commençaient à parler sous le manteau de notre hitlérisme, ce qui était entre nous une superbe matière à canulars. Wagnérien, nietzschéen, antisémite, anticlérical, connaissant par le menu le folklore national-socialiste, j’étais naturellement désigné pour jouer dans notre bande le rôle de S. A. d’élite. Je m’en acquittais avec des Horst Wessel Lied et des « Heil » retentissants. Plus sérieusement, j’étais toujours prêt à boucler ma valise pour ce Reich à qui les mensonges et l’exclusive d’Israël rendaient les attraits de l’inconnu. J’allais vivre quelques jours, un peu au hasard, à Cologne ou à Munich. J’en rapportais des provisions d’images que nous seuls évidemment pouvions publier parce qu’elles étaient vraies. J’osais dire que je m’étais beaucoup amusé pendant une semaine de carnaval à Munich, que j’y avais, à la bavaroise naturellement, beaucoup bu et mangé, et qu’on y respirait une atmosphère de grosse Kermesse, de solide et tranquille équilibre bien plutôt que de misère et de conspiration ourdie dans la servitude. La première étape de mon voyage en Europe Centrale, au mois de juillet 1938, avait été pour Vienne, rattachée depuis Pâques au Reich. J’avais connu fort auparavant une capitale déchue, râpée et dolente. [Elle portait tout entière les traces de cette souillure juive que nous avons connue à de vastes quartiers de Paris : laideur des personnages qui grouillent à vos côtés, immense étalage des camelotes et des

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