Les Décombres
a la tête la plus bourrée de philosophie et le cœur le plus porté à l’épanchement mystique, que l’idée de Dieu est beaucoup moins arrêtée pour lui, beaucoup plus diffuse dans l’univers que pour le Latin. S’il est un pays au monde qui puisse, dans la paix future, rêver et accomplir une seconde Réforme, après avoir engendré la première, c’est assurément l’Allemagne. Au point où en sont les choses, on peut se demander si cette Réforme, dans l’ordre spirituel, ne sauverait pas et ne restaurerait pas beaucoup plus qu’elle ne détruirait.
Je m’en tiens, jusqu’à plus ample informé, à ce que j’ai pu observer et à ce que je sais. L’Allemagne est désormais la plus grande puissance catholique de l’univers, et ce fait d’ordre arithmétique confère à ses chefs une singulière autorité, peut peser fortement dans leurs pensées et leurs décisions. La foi catholique apparaît assurément plus vivante dans toute l’Allemagne du Sud que dans la France, qu’un aimable truisme, passé à l’état d’antiphrase depuis un bon siècle, voudrait représenter comme la fille aînée de l’Église. Je souhaiterais que l’on comparât les chiffres des communions pascales chez les hommes, en Bavière, en Rhénanie, en Autriche et dans tous les pays d’oc français.
J’ai rencontré des Allemands très anticléricaux ce dont je les ai du reste félicités, et de tempérament fort peu chrétien. J’en ai rencontré d’autres, catholiques aussi convaincus qu’excellents hitlériens. Il ne faisait aucun doute que, sommés par quelque bulle de choisir entre le pape et le Führer, ils n’auraient pas balancé un instant, sans en demeurer moins croyants pour cela. Ils eussent été schismatiques, mais l’histoire des églises d’Occident abonde en schismes qui ne se sont point terminés par l’adoration du feu au creux des forêts. Il est curieux que cette attitude des catholiques allemands ait semblé particulièrement incompréhensible et d’un germanisme dévergondé à maints catholiques d ’Action Française, qui avaient eu à trancher pour leur propre compte un débat identique, et s’étaient déclarés pour un antipapisme ultra-agressif.
C’est en France que j’ai vu depuis dix-huit mois des gens qui font de l’eucharistie un gris-gris, qui ravalent la religion des Blancs à une sorcellerie de Négritos.
Pour les fameux textes nationaux-socialistes, où prêtres et quakers voient rougeoyer les flammes infernales, apparaître les idoles d’une nouvelle sauvagerie, je n’y trouve rien que les vrais nationaux français n’aient eux-mêmes célébré, c’est-à-dire la fidélité au chef, le sacrifice aux intérêts de la communauté, l’effort vers l’équité sociale, avant tout l’amour, la conscience du sol natal, du sang blanc, qui nous ont faits, Français, Allemands, Italiens, Espagnols, ce que nous sommes, cet amour et cette conscience sans lesquels nous devenons méconnaissables, infidèles à nous-mêmes : tout ce que les Églises ont été incapables de défendre, mais par contre, maintes fois, de saper sournoisement. J’y trouve encore une saine et légitime distinction entre les affaires de ce monde et celles de l’autre, le refus de tolérer plus longtemps que les hommes d’Église viennent agiter les spectres infernaux et invoquer les volontés de Dieu pour les bénéfices de leurs boutiques. Si les nationaux-socialistes allemands ont réussi là où nous avons échoué, c’est, entre autres, parce qu’ils ont exprimé ces pensées sans ménagements et qu’ils ont su leur donner force d’actes.
Quant au reste, pour ma modeste part, j’incline beaucoup à partager les raisonnables sentiments du Führer quand il écrivait : « Les idées et les institutions religieuses de son peuple doivent toujours rester inviolables pour le chef politique ; sinon, qu’il cesse d’être un homme politique et qu’il devienne un réformateur, s’il en a l’étoffe. »
Il n’est pas de conducteur de peuples, en Occident, qui puisse rejeter du premier mouvement l’immense force, frein et moteur, que fut le christianisme, qui ne songe à canaliser cette force.
Mais si les Églises persistent à trahir la société, il est fatal que les États se substituent de plus en plus largement à elles, et qu’ils prêtent leur assistance à un réformateur.
Les Églises posséderaient encore en elles-mêmes le secret de leur salut et d’un rayonnement
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